C’était mieux au temps du féodalisme

  • 26. juin 2022
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Dans la rue, sur un banc, au soleil, je lisais. Un livre  : « Pourquoi je hais l’indifférence » d’Antonio Gramsci. J’en étais arrivé là dans ma lecture d’Antonio : Notre optimisme révolutionnaire a toujours été soutenu par une vision d’un pessimisme sans fard de cette réalité humaine….  Une voix me tira de celle-ci.

– Bonjour monsieur, vous lisez quoi ? 

Une femme entourée de sacs, six ou huit de grands volumes marcha vers moi, pointant du doigt le livre que je tenais.

– C’est un livre d’Antonio Gramsci. Un homme incroyable qui a fondé le parti communiste italien. Les fascistes l’ont jeté en prison. Il est mort quelques jours après en être sorti. Ses écrits sont des ressources pour s’opposer aux choses comme elles vont.

– C’est intéressant monsieur. Mais vous savez, on vivait mieux au temps du féodalisme. 

– Pardon ?

– On vivait mieux au temps du féodalisme. Il y avait un seigneur qui protégeait ses gens, et même si on avait rien, on était défendu.

Cette femme, entourée de ses sacs dans lesquels il y a sa vie me dit que sa vie elle la perçoit plus fragile à Genève en 2022 qu’au temps des chevaliers et de la peste noire. Elle dit quelque chose de très simple et de très fort. En 2022, avec tous les progrès technologiques dont on se gausse, les milliards de fortunes accumulées,  malgré tous les discours sur le zéro sans-abrisme et le refus de la pauvreté, pour cette femme, il n’y a aucun seigneur en vue, pas de protections ni de sécurité. D’autres diraient peut-être : « on mangeait mieux au temps des cavernes » …. en sortant d’une chaine de restauration rapide.

– Je vous entends madame, mais les seigneurs avaient droit de vie et de mort sur leurs sujets qui étaient considérés comme des choses. C’était pas folichon le féodalisme. Un mot de travers et on vous coupait la tête.

– Vous croyez vraiment cela monsieur ?

Elle a regardé ses sacs. Elle a regardé le livre de Gramsci. Elle a regardé autour d’elle.

Elle m’a regardé longuement.

 

Je revois souvent cette femme dans le quartier. Toujours avec ses sacs qu’elle déplace de quelques mètres et qu’elle aligne comme pour former une palissade. 

Parfois elle forme un cercle avec, et c’est une forteresse.

Elle construit sa propre seigneurie.

 

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