Cher Monsieur Poggia

  • 04. février 2021
  • Genève
  • Pas de commentaire

Monsieur le Conseiller d’État, cher Monsieur Poggia, 

Je vous ai entendu cette semaine menacer directement la vie privée des gens, et faire peser sur eux l’interdiction de se réunir dans leur sphère privé. Je vous ai vu, une fois de plus (cela avait déjà été le cas lors de la manifestation cycliste à Plainpalais au mois de juin) aller au-delà de ce que la loi vous autorise pour vous en prendre à des concitoyen-ne-s, à leurs libertés fondamentales, et les menacer d’amende pour les intimer de suivre vos « recommandations ». Cette manière de faire est contre-productive, pire elle menace directement la santé de nos concitoyennes et concitoyens.
Au-delà de vos effets d’annonce distillés sur les réseaux sociaux, de vos rétropédalages subséquents alimentant confusion et lassitude, on ne voit malheureusement pas clair dans votre stratégie pour lutter contre le coronavirus. Ce que vous mettez en avant quasi quotidiennement dans la presse et à intervalles réguliers depuis plus de 6 mois, à savoir une volonté d’user de la carotte et du bâton, sans succès apparents, conduit inexorablement à la soumission des un-e-s et à la révolte des autres. En aucun cas malheureusement à une adhésion forte, responsable et intelligente de la part de notre population. Vous semblez devenir chaque jour davantage partie du problème que de la solution.
Notre population comprend bien la logique de « casser les chaînes de contamination ». Elle fait les efforts nécessaires et endure de pesantes contraintes. Il faut ici relever et saluer les efforts et la bonne volonté de la part de chacune. À la longue toutefois, il semble que lassitude et banalisation s’installent. Les gens en ont marre et commencent, à ne plus croire ce qu’on leur dit, ce qui est une source d’inquiétude. Le virus a certes bon dos, mais on ne peut pas le charger de tous les maux et de toutes les incompétences, enrobant le tout de la sempiternelle « responsabilité individuelle ». Ce n’est pas la longueur de l’épreuve qui est difficile, c’est la redondance de sa gestion qui éreinte. Le virus n’est pas coupable de la manière avec laquelle vous traitez et considérez les gens, de la massification des messages d’alerte ou de menace, et de  leurs incohérences. Prévenir, c’est faire passer un message clair et non-jugeant dans tous les lieux et les couches sociales afin que la santé de toutes et tous soit préservée. Vos menaces sont une signature d’échec. Les chiffres de contaminations le démontrent.
Des pans entiers de la société demeurent hermétiques aux messages de prévention. Non parce qu’ils sont irresponsables ou stupides, mais parce qu’ils sont placés dans des situations socio-économiques inextricables, ou dans des communautés ou des systèmes de pensées à mille lieux de partager votre science. J’aimerai savoir quels sont vos plans pour aller toucher et convaincre ces divers public, de la manière dont s’élabore la prévention et dont elle s’opère à leurs égards. Une communication basée sur la responsabilité et l’information plutôt que la peur et la menace sont nécessaires. J’ai été choqué par la violence et la stigmatisation que vous vous êtes permis, notamment à l’égard des  jeunes, et de l’élaboration petit à petit d’une société de la délation et de la dénonciation qui est une marque de faiblesse et d’impuissance de l’Etat. J’ai été choqué par l’exhibition du détail des amendes et de la manière dont s’élabore un système du type « surveiller et punir » plutot que prévenir et guérir. Vous êtes tristement en train de créer un cluster de méfiance et de défiance.
Pour ma part, entre vos menaces ajustées et une communication erratique, j’arrive à la limite de ma compréhension.
Pour le reste, je vous prie de recevoir mes salutations et ma compréhension pour votre travail dont je comprends bien l’ampleur et la difficulté, vous invitant à réajuster votre chapeau de ministre de la santé, et suspendre votre béret de chef de la police qui nuit à la santé de nos concitoyen-ne-s, fabriquant soit une armée de récalcitrant-e-s soit de révolté-e-s.

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