Petit enfant promis à la mort par Hérode. Nouveau-né pourchassé. Fils fugitif emmené en Egypte dans le ventre de sa mère pour échapper à la mort. Enfant de migrants. Fils placé dans une mangeoire : il n’y avait pas de place pour toi dans l’abri destiné aux visiteurs. Il n’y avait de place pour toi nulle part d’ailleurs. Tu n’étais pas attendu. Pas prévu. Sans place réservée au planning familial.
Tu naquis dans une étable. Tu arrivas sur terre comme des millions et des millions d’enfants : menacé, fragilisé, pourchassé, à deux doigts de claquer avant de naître.
Tu naquis à l’écart, à la marge, en déplacement rapide. Tu naquis en marche forcée, sans sage-femme, sans passeport, sans docteur, avec juste quelques bêtes autour de toi pour te tenir chaud : maigre réconfort. Un âne, un bœuf, dit la légende. Peut-être même pas un chant d’oiseau. Pas un sifflement. De la paille ça oui. Beaucoup de paille. Mais pas d’herbe verte. Pas de ruisseau. Pas de luminothérapie ni supplément de vitamine D.
Tu ne naquis pas sur la place centrale, pas sous les spots, pas adoubé des rois, pas encensé. Sans publicité.
Sans annonces dans le journal, sans banquet abondant, sans sterilium pour désinfecter les plaies. Tu naquis dans une étable en l’an zéro, sans distributeur de boissons chaudes, magazines sur la table, ou barres chocolatées. Sans demeure, sans maison, sans maman. Sans photo de famille.
Pas de télé, pas de journal, rien d’immortalisé. Pas d’heures de visites. Pas de conneries narcissiques. Pas d’hypocrites autour de toi. Le minimum vital.
Gamin né du miracle. Petit homme né du scandale. D’une femme vierge. Du babil d’un ange, de la lubie d’un couple. D’une procréation assistée. D’un passage clandestin de frontière. De la trajectoire des étoiles. Du silence abyssal et d’un mystère infini. D’une sexualité absente. D’une baise mystique. D’un battement d’ailes rapide et d’une infinie contemplation.
Joyeux anniversaire à toi l’enfant né d’une promesse, d’une parole, d’un souffle, d’une généalogie explosée, d’un oubli, relégué nulle part, dans une extrême fragilité, exposition.
Petit enfant étrange.
Petit gamin sauvage, sans héritage, si ce n’est celui de quelques livres et d’une parole.
Petit rebelle né hors algorithme, hors prévision, sans passage par les HUG ni à l’office cantonal de la population et des migrations, sans empreintes digitales, sans reconnaissance faciale, sans aucun fatras technologique, contrôle social ou passeport.
Petit enfant né du dénuement, de la migration, et d’une alliance divine.
Fragilité née d’une chasse à l’homme, où les pièges et trahisons sont partout.
Gamin céleste, silencieux sous les coups, souriant sous les crachats et répétant :
mon royaume n’est pas de ce monde
devant les buffets pleins, les grossiertés et médisances.
Murmurant malgré le bruit de la machine, et dans un silence patient:
Soyez comme les petits enfants, les oiseaux ou l’herbe folle.
Soyez comme vous étiez à votre tout premier Noël.