Une hotline consacrée aux angoisses liées au port du voile chez des proches? Les islamophobes en rêvaient, le Canton de Genève l’a fait. L’article de la TDG sur le dispositif « gardez le lien » ciblant particulièrement l’Islam est inutilement anxiogène. Pourquoi anxiogène ? Parce qu’il se fait l’écho du sentiment d’insécurité concernant une religion particulière. En résumé : une fille décidant de porter le voile ouvrirait une porte à la radicalisation… ah. Et si mon ado arrête de manger une côtelette de porc j’appelle aussi la hotline ?[1] Au final, on ne sait plus très bien si c’est l’article ou le dispositif lui-même qui crée ce désagréable sentiment d’un réflexe pavlovien anxiogène. Un peu des deux malheureusement. Ce qui devrait conduire à s’interroger sur ce dispositif.
[1]www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/prevention-radicalisations-10-cas-transmis-police/story/16010115
Cette accentuation anxiogène est renforcée quand la sociologue des religions de « gardez le lien », estime qu’en ce qui concerne l’Islam radical : « les jeunes filles affichent des signes plus évidents en portant le voile et attirent plus de craintes de la part des proches, qui s’inquiètent de leur éventuelle mise en danger » on donne là en plein dans le sentiment d’insécurité en mode panique. Et personne pour ramener à la mesure.
Ce genre de commentaire et de dispositif de type hotline / task force(terme introduit à l’origine par la marine des États-Unis) augmente paradoxalement l’attrait des plus jeunes à jouer de la provocation. S’il suffit de mettre le voile pour faire chauffer la hotline, on crée une appétence renforcée à l’affichage de comportements faisant frémir les sociaux, crispant les politiques, pendant que les rédactions de presse salivent. Les plus jeunes adorent les interdits et la diabolisation.
Mais surtout, il se cache derrière cette attention particulière aux jeunes femmes une dimension paternaliste et particulièrement sexiste.Il faudrait protéger ces pauvres jeunes femmes du port du voile et de la radicalisation… Ce paternalisme affiché laisse en parallèle des pans entiers de violences masculines se dérouler dans l’espace public sans réaction ou avec un silence complice. La culture de masculinité et la culture du viol ayant conduit à banaliser les violence. Etre un mec c’est déjà une forme de radicalisation, mais valorisée celle-là.
Un exemple ? Allant régulièrement aux matchs du Servette football club ces derniers temps, je suis effaré par le niveau de violence qui s’y déploie en toute impunité. De l’insulte (homophobe, raciste, sexiste) aux cris de guerre, aux bannières misogynes, jusqu’aux appels au meurtre repris en coeur et ce jusqu’à la valorisation de la pornographie sur le compte twitter du club, cette pseudo virilité s’étale sans freins.
La hotline ne chauffe pas pour s’inquiéter de jeunes allant au stade… par contre un voile en vue et c’est l’angoisse, avec l’épouvantail agité de la crainte de départ en Syrie….
Chaque week-end, en toute impunité ou presque, une école de la virilité dominante et de la masculinité toxique se déploie et produit en chaîne des benêts alcoolisé cherchant à casser la gueule à ceux d’en face. Cela coûte des dizaines de millions par an en forces de police pour contenir cette radicalisation, sans que rien ne soit entrepris pour y mettre fin.
Quelles sont les actions menées pour faire baisser la violence dans le sport?
Plutôt que nourrir l’anxiété et les fantasmes liés à l’Islam, il serait plus URGENT de lutter contre la radicalisation réelle de petits mâles allant au match les poings serrés, s’entraînant la semaine pour la baston du samedi, se donnant rendez-vous sur des parkings se taper dessus.. ou passant joyeusement à l’acte au coeur de la ville comme on le voit régulièrement[2]. De la cour d’école à la boîte de nuit, la radicalisation la plus forte s’appelle la masculinité. C’est dommage, la hotline cantonale reste silencieuse à son sujet. On nous répondra peut-être que l’on ne peut rien y faire et que c’est « culturel »… mauvaise excuse.[3]
Pour ma part, je serais mort de trouille le jour où ma fille décidera de rejoindre un kop d’ultra de foot (si on la laisse entrer) plutôt que lorsqu’elle décidera de porter le voile.
Arrêtons le délire collectif sur les religions, luttons contre la masculinité toxique et la virilité nocive, et vite, car elle tue et continue de tuer en Suisse.
[2]https:/https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/altercation-antifas-identitaires-vieilleville/story/15815489
[3]https://www.letemps.ch/suisse/hooliganisme-chiffres-alarmants-foot-suisse