Quand la police se trompe de cible…

  • 11. mai 2020
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Les fêtes de fin d’année approchent et c’est probablement une période sensible en terme d’achats de biens. La police municipale de la Ville de Genève a décidé de faire un tout ménage sensibilisant aux bons réflexes pour lutter contre les cambriolages. Ce qui est étonnant, c’est qu’elle fasse une campagne de publicité massive pour un délit qui est en diminution : pour les cambriolages, c’est moins 10% depuis 2017.[1] Il est par contre un autre type de délit qui est en croissance constante ce sont les violences domestiques et là : silence radio. Cherchez l’erreur.

Protéger les biens c’est bien, protéger les gens, c’est mieux

Comprenez-moi bien, je ne dis qu’il ne faut pas faire de la prévention pour les cambriolages avec un rappel des bonnes pratiques : verrouiller les portes, vider sa boîte aux lettre, entretenir des bons liens de voisinage, etc, etc, … mais aujourd’hui le vrai problème n’est pas d’empêcher quelqu’un de rentrer chez soi, mais plutôt de réussir à en sortir quand on est menacé, et se fait malmener à domicile. A quand un tout-ménage de la police municipale sensibilisant aux violences domestiques? A quand ce tout-ménage sensibilisant à la violence psychologique, et aux conséquences sur la famille? A quand, au-delà du magnifique travail fait par les associations, un guide largement diffusé des bonnes pratiques pour les voisin.e.s et un rappel de l’attitude à avoir quand ça gueule ou ça cogne en dessous de chez soi ? Le silence de la police municipale (et cantonale) sur ce point est proprement assourdissant.

Plus de la moitié des violences déclarées sont domestiques

Si près de la moitié des violences déclarées commises à Genève sont domestiques [2], il faut ajouter que ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité, et montrent seulement la pointe de l’iceberg. De nombreuses personnes ne dénoncent pas les coups et la violence. Soit parce qu’elles ont un statut légal qui leur fait craindre l’attitude de la police ou de la loi à leur égard; soit parce qu’elles ont honte, peur, ne connaissent pas leurs droits, parce qu’elles ont eu des expériences de non-accueil par la police (la première plainte est toujours classée nous a-t-on dit!!), soit parce que le temps du travail de la magistrature est trop lent, ou qu’il banalise certains témoignages et délits, parce que le fardeau de la plainte est trop lourd. Et pendant ce temps, la police fait de la prévention sur comment protéger sa télé….

Changer les priorités et les urgences de notre société

Le nombre d’infractions pour violences domestiques recensées à Genève a bondi de plus de 30% dans le canton entre 2017 et 2018, alors que la progression était de 9% à l’échelle nationale! Les violences domestiques représentaient l’an dernier près de la moitié de toutes les infractions au Code pénal pour violences à Genève! Cette part tend à augmenter puisqu’elle s’établissait à 35% en 2012.[3] Il y a urgence. Une urgence sociale d’éradiquer les violences domestiques qui ont un impact désastreux sur la santé et la vie des personnes qui en sont victimes. Il y a aussi urgence de s’occuper des auteurs, de les soigner et de les traduire en justice quand cela s’impose. et mettre fin au silence, à la honte, à l’impunité.

Les violences domestiques sont le symptôme d’une société malade qui craint pour la défense de ses biens et ne se donne les moyens nécessaires de lutter contre les auteurs de violence domestique. Cela doit cesser. Plusieurs objets sont actuellement à l’étude au Grand Conseil. Ce sont les pratiques de certains corps de métier qui doivent évoluer. Savez-vous que le centre LAVI (service d’aide aux victimes d’agressions et de violences) qui aide les victimes a dû réduire ses horaires de permanence téléphonique par manque de ressources? Les associations font un travail remarquable, heureusement. Mais il faut davantage de moyens, et une claire volonté politique de la part de l’Etat.

Recevoir ce tout-ménage à la veille de Noël démontre que l’ordre des priorités n’est pas clairement établi chez nos responsables des polices municipales et cantonales et les décideurs politiques.

Le tabou de la violence domestique est bien enraciné chez nous.

Une femme meurt toutes les deux semaines en Suisse sous les coups de son conjoint ou son ex-conjoint.

 

[1]https://www.gsi-security-concept.ch/statistiques/cambriolages/geneve/ville-de-geneve

[2]https://www.rts.ch/info/regions/geneve/10892885-pres-de-50-des-violences-recensees-a-geneve-sont-domestiques.html

[3]https://www.ge.ch/statistique/tel/publications/2019/hors_collection/autres_partenariats/hc-ap-2019-02.pdf

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