Comment faire campagne avec le coronavirus ?

  • 11. mai 2020
  • air du temps
  • Pas de commentaire

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Il faut s’approcher des gens en gardant ses distances. Cette invitation paradoxale n’est pas simple à tenir quand naturellement, en campagne, on est porté par le désir de convaincre, l’envie de partager, le souhait précisément de se rapprocher de l’autre pour s’en faire mieux connaître et développer ses idées.

On va pour serrer la main… on se reprend de justesse: pas de ça ! On va pour une bise… et demeure suspendu à mi-chemin. Il est intimé de ré-inventer la bonne distance.

Triste réflexe : on se lèche le pouce pour séparer deux flyers. Ce qui semblait  simple auparavant fait désormais office de repoussoir. Déjà que l’autre lorgnait d’un air suspect ce flyer ayant passé dans des mains inconnues… mais lécher un papier, c’est devenu immonde (criminel?). Un flyer ça pouvait encore passer, mais un flyer ensalivé ? – ENSALIVÉ? Jamais. Autant mourir. Faut plus lécher les tracts. Évidemment.

 

On voit dans le regard de l’autre la peur grandir, l’effroi pointer. Il semble bien que la distance d’une main à une autre, d’une bouche à une oreille, soit aussi démesurée que celle que Moïse a dû affronter devant la mer Rouge, Tarza, sa liane et son pagne, pour franchir une rivière remplie de crocodiles, ou plus prosaïquement et plus proche de chez nous, la distance courte mais insurmontable entre faire une petite croix dans une case ou ne point la faire.

Comment faire campagne avec le coronavirus?

Comment se rapprocher, se familiariser, alors que la méfiance grandit? Déjà que, en temps normal, ce n’est pas simple ni franchement olé olé d’aller à la rencontre de l’autre – pas une sinécure, pas un sacerdoce non plus, n’exagérons pas, mais il y faut de la passion, du désir, de l’énergie pour vaincre les résistances. Soyons honnête, on ne réside pas totalement dans la société la plus hospitalière et chaleureuse qui soit. L’autre est souvent résumé à l’inconnu, l’étranger, le passant, le voisin, et maintenant, qui sait, l’autre est peut-être devenu : l’infecté.

Déjà qu’en temps normal on ne passait pas chez l’autre sans appeler, sans sonner, bref : prévenir. Déjà qu’on ne sonnait pas sans une bonne raison, voilà que désormais on a une bonne raison de ne plus passer, ni raisonner d’ailleurs, la panique guette : celui qui passe quand même en devient presque menaçant. 

Désormais, engager un porte-à-porte est quasiment un acte révolutionnaire. Aller à la rencontre de l’autre: une sacrée aventure. Bonjour, comment allez-vous? Étant une question qui peut facilement en faire reculer plus d’un sur le palier de sa porte. Pourtant, globalement, ça se passe très bien. Il y a la peur, toujours, à dépasser. Mais il y a le désir, toujours, de la rencontre, et la curiosité.

En temps normal le porte à porte évoquait déjà chez certain-e-s une démarche évoquant la foi prosélyte du témoin de Jéhovah ou commerçante du marchand ambulant… alors en période de coronavirus, cela devient comme plonger une main dans une ruche, tenter l’ordalie en marchant pieds nus sur des charbons ardents.

Il faut disposer des digicodes pour que les portes s’ouvrent. Une fois ouvertes, il y en a d’autres. Il faut sonner, passer le test de l’oeilleton, celui du premier coup d’oeil. Ne pas  avoir l’air trop niais, ni trop convaincu. Il faut sourire, mais surtout pas trop montrer les dents, et ne pas éternuer… surtout pas RENIFLER DÉSORMAIS.

Dire: bonjour, comment allez-vous? l’air confiant, serein, joyeux, en un mot sympa, pour rappeler que le 15 mars on vote, et que puisque l’on ne va pas mourir sur pieds là maintenant, il faudra bien que des gens assurent la gestion de la Ville pour les 5 prochaines années, assurent justement le suivi de cette crise, son terrible impact social et économique, et soient responsables.

 

Comment faire campagne avec le coronavirus ?

En ne changeant à peu près rien. Peut être faire quelques appels téléphoniques de plus. Le téléphone permet de se rapprocher tout en se tenant à distance, ça peut rassurer.

On continue d’aller à la rencontre des gens, curieux de tout, toutes et tous, accueillant ce qui vient, écoutant, encore, apprenant, toujours, et rappelant l’importance de voter.

Le coronavirus plane sur nous, et c’est le plus dur. Un truc invisible, impalpable, semble avoir pris place entre nous. Ce truc s’est invité partout. Dans le bus, sur les trottoirs, dans l’inconscient, les crèches, dans les EMS, dans les conversations, sur les stands, dans les lits, les trottoirs, il s’est évidemment glissé dans la campagne pour les élections.

Se glissera-t-il aussi dans l’urne le 15 mars, et comment ?

On verra bien. Dire : Bonjour, comment allez-vous?

En attendant, on continue de lui résister.

 

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