Macron n’ose plus sortir sans maquillage.[1] D’autres n’ont qu’une langue de bois pour s’exprimer. Certains se créent des personnages de pacotille, entre déni et toute puissance, menant des existences dignes du portrait de Dorian Grey d’Oscar Wilde, avec des parts enfouies et des secrets honteux. Pendant que certains hurlent devant des visages couverts d’un voile, portant eux-mêmes plusieurs couches de mensonge ou d’identités troubles sur la face, le seul moment de vérité reste peut-être celui du carnaval, où les puissants sont tenus et considérés pour ce qu’ils sont : des porteurs de masque. Quoi, le moment de la farce serait devenu le moment le plus haut de la vérité ? Certes, il n’y a rien de fondamentalement nouveau là-dedans. C’est l’un des travers de l’exercice du pouvoir. La question qui nous importe aujourd’hui : comment y mettre fin et dénoncer les dérives? #démaquillantpourtous
Trop proche pour être vrai?
La proximité de notre démocratie semblait nous tenir à l’écart des identités usurpées et des mensonges d’état. Ainsi nous accrochions-nous à ce mythe, et étions presque amusés de voir Pierre Maudet déposer des paniers garnis devant la porte d’autres politiciens lors de sa campagne pour le Conseil fédéral. Cela avait un esprit si sympathique et bonhomme, cette recherche de contact direct. Las, c’était de la comm’ encore. De la même manière, sa présence sur les marchés et réactivité sur les réseaux sociaux, ces lettres de lecteur écrites à l’avance par d’autres pour marquer la popularité et les connivences joyeuses, les sondages financés en sous-main: de la comm’, encore, du vent.
Grégoire Chamayou nous rappelle, dans son dernier livre, La société ingouvernable ce qu’est le libéralisme autoritaire en faisant une distinction éclairante entre l’hypocrite et l’hypercrite. ‘L’hypocrite est celui qui porte un masque et qui en a conscience. L’hypercrite est celui qui se prend lui-même pour son masque, celui chez qui la conscience de la duplicité s’est évanouie. En s’oubliant elle même, l’hypocrisie bascule dans l’hypercrisie, sorte de profession de foi amnésique par laquelle un homme se trompe lui même en trompant les autres, sans avoir dessin de les tromper.'[2]
A force de se croire détenteur de ce pouvoir que d’autres leur ont délégué pour un temps, à force de confondre leur personnalité et leur rôle, brouiller représentation et plan de carrière, les règnes des avatars trouble le rapport à la réalité et en vient même à le saper faisant le jeu de l’indistinction.
A force de se faire solliciter au nom de leur fonction, et de croire qu’ils la subliment alors qu’ils devraient en être les garants responsables dont on espère prudence et humilité, cette hubris déconnectée du réel aboutit à l’apothéose risible de Mélenchon sous perquisition judiciaire hurlant ma personne est sacrée alors qu’il n’est rien.
Ayant ceint en vitesse son écharpe bleue blanc rouge comme un talisman de protection, le tribun se voile encore la face et invente une nouvelle pièce bouffonne. Pendant ce temps le président de la république passe à toute vitesse devant des ronds-point où son effigie est brûlée et pendue au bout d’une corde par des gilets jaunes, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit là d’une carnavalesque provocation ou si Monsieur le Président y passerait vraiment s’il osait mettre un pied à terre. Quand donc les rois et roitelets accepteront-ils de se montrer nus et que le pouvoir qui leur est délégué n’est en définitive et de tout temps pas le leur et qu’ils ne peuvent le confisquer à leur avantage ?
Qui porte quels masques?
Au vu des niveaux de mensonge et de dissimulation atteints, de la dilution de la parole donnée par des je ne savais pas à je n’ai pas vraiment dit ça, et des rhétoriques d’enfumage, de contorsionnistes, de rétropédalages accélérés, à l’industriel découpage de cheveux en quatre, on assiste à une constante entreprise de maquillage et de dissimulation par quelques malfrats politiques.
Portant perruques et postiches, en changeant selon le contexte et le code vestimentaire exigé, les gentilhomme bien rasés, cravate portée haut et en mode de communication constante, passent de la pénitence au pénal sans sourciller, et s’accrochent comme des moules à des pieux vacillants qu’ils s’ingénient par leur emprise à pourrir toujours plus. Ces « gendres parfaits », dignes descendants des yuppies des eighties, s’accrochent à leur image déchue comme à un viatique, à un discours de proximité et de transparence, alors que plus personne n’écoute ni ne les croit et qu’ils ne pourraient traverser un marché sans se faire houspiller ou subir un rituel ravalement de façade populaire: bombardement de tomates pourries ou entartage à la crème.
Le rôle qu’ils veulent tenir, plus personne ne les y voit. Prisonnier d’un masque devenu seconde peau, ils s’en débarrasseront peut-être hâtivement dans une arrière salle de bistrot après des mois de lutte, se déclarant enfin libéré, soulagé (et nous aussi), dans un acte dramatique, provoquant certes soulagement, mais malaise à la fois. Ayant tout misé sur la scène, il ne peuvent croire qu’ils arriveront à survivre à une révérence. Un conseil : relisez Shakespeare pendant les fêtes…
Miroir, miroir, dis-moi qui se déforme le plus sous ton regard….
Les derniers twits de Joachim Son-Forget[3] nous enfoncent aussi dans le règne des faux-semblants. S’en prenant à Madame Esther Benbassa et l’harponnant sur son maquillage, suscitant un tollé dont il semble se complaire, l’élu des français de l’étranger, circonscription Suisse-Liechtenstein, répond d’une manière alambiquées que sa démarche relevait d’une expérience psycho-cognitive visant à tendre un miroir agrandi. Il provoquait, l’expérimentateur, pour démontrer par une sorte d’abîme d’absurde, les mécanismes des réseaux sociaux. Sauf que personne n’a cru à ses pataudes explications. Plutôt que de jouer son rôle, il est définitivement devenu le jouet de ce qu’il prétendait, à posteriori toujours, animer. Miroir, miroir, dis-moi qui se déforme le plus sous ton regard….
Certains messieurs propres, prétendants d’un nouvel ordre souhaitant incarner les vertus de la république se sont avérés être des faussaires ou de bien mauvais acteurs… ne tenant pas leur rang, pour avoir perdu de vue les limites de leur rôle et ayant cru faire du langage un matériel souple que l’on pouvait retourner dans tous les sens (à un moment pourtant ça craque. Le discours a des trames, ça résiste, ça tranche.)
Que souhaiter pour 2019?
Un nouveau langage et un nouveau casting, à visage découvert. Histoire que l’on puisse croire à nouveau, lorsque l’on s’adresse à un.e élu.e au maximum de sa redevabilité, honnêteté, respect de sa parole donnée et serment prononcé; à sa capacité à remettre son mandat lorsque la confiance n’est plus de mise et qu’il a prouvé avoir bafoué l’une comme l’autre.
Que souhaiter pour 2019? Des visages découverts, enfin, sans maquillage, sans trucages, sans effet de communication ou spin doctor travaillant en sous-main, sans communication ciblée, sans journalistes copains-choisis, car oui tout le monde peut se tromper, se planter, mais de grâce, merci de le reconnaître, et tirer les conséquences quand il est devenu impossible de reconnaître une erreur sans révéler la fraude qui la provoque.
En cadeau: miroir et démaquillant!
Pour 2019, offrons à nos élus un pot de démaquillant pour le maquillage waterproof et un joli miroir, pour qu’ils clarifient les traits de leur visage et en retrouvent les contours, afin que, à visage découvert, il ne leur soit plus possible de maquiller leur langage, la vérité, la réalité, prétendant jouer un rôle tout en exerçant d’autres partitions, de bonne ou de mauvaise foi.
[1]https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/22/emman…
[2]https://www.lesinrocks.com/2018/11/03/idees/gregoire-cham…
[3]https://www.letemps.ch/monde/lidiosyncrasie-joachim-sonfo…