Le capitalisme veut ton sourire

  • 08. août 2018
  • air du temps
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Le capitalisme veut ton sourire :

jeune homme courant avec ton tapis sous le bras pour aller au cours de yoga

trentenaire achetant tes produits bio acheminés en camion depuis la Pologne

famille râlant sur ton vol annulé, continuant chaque été à reprendre la même compagnie d’aviation

féministe refusant la domination masculine et t’épilant méthodiquement, parce que c’est quand même plus joli comme ça

travailleur précaire votant contre l’instauration du salaire minimum.

 

Le capitalisme veut ton sourire:

jeune femme, écouteur sur les oreilles, qui médite sur ton cours de pleine conscience, et traverse tout droit au milieu de la route sans voir les bagnoles

retraité dépassé par l’augmentation de tes primes d’assurance maladie, qui refuse la création d’une caisse publique d’assurance maladie

grand-mère effrayée que les riches partent si on fait sauter les forfaits fiscaux, et qui accepte de payer proportionnellement plus d’impôts qu’eux

jeune avocat qui veut éradiquer le deal, et achète sa coke à l’étude

boucher qui se tue au travail et vote contre une semaine supplémentaire de vacances pour tous

médecin qui fume deux paquets de clopes par jour et recommande de faire de l’exercice

trentenaire qui trouve que la prostitution c’est mal et se branle sur youporn

étudiant qui refuse de payer 10ct le litre de lait plus cher, et qui bouffe au Mac do

diététicienne qui dit de manger 5 fruits et légumes par jour, quand on a même pas le fric pour aller chez Lidl

 

Le capitalisme veut ton sourire :

quadra engagé qui trie méthodiquement ses déchets en regardant les camions de la Migros partir à l’incinérateur

geek qui consomme son information sur Facebook et partage larme à l’œil l’avis mortuaire du Matin sur twitter

autorité qui pose des bacs à fleur dans l’espace public en interdisant à quiconque d’y mettre un parasol

autorité qui élargit les routes et interdit les grillades dans l’espace public, parce que cela sent trop mauvais

vieillards qui râlent comme quoi c’était mieux avant, et continuent à faire que ce soit chaque jour pire

bobos qui aimeraient du silence et gueulent pour que les autres se taisent

décideur politique qui, au nom du respect de l’autre, impose sa loi à tous.

 

Le capitalisme veut ton sourire :

autorité qui invite les gens à se réapproprier l’espace public, puis colle des amendes à ceux qui le font sans autorisation et surtout sans le sponsor qui va avec

adolescent qui trouve immonde de manger du chat, mais que le cheval ne dérange pas -Un petit lapin c’est si goûtu-

quinqua qui met « indigné » sur son profil facebook, puis retourne regarder le Tour de France après avoir « liké » le Mondial

bon citoyen qui ne veut pas donner un centime aux mendiants, mais accepte de payer bonbon pour les placer en prison

polytraumatisé des génuflexions pour qui la religion est encore l’opium du peuple, alors que l’on est passé au crack depuis l’informatique

connard qui dit je ne suis pas raciste, mais…

 

Le capitalisme veut ton sourire:

ingénu qui trouve les pays du sud corrompus et n’est jamais allé à la salle des pas perdus du Palais Fédéral.

 

Le capitalisme veut le sourire, de tous, tout le temps.

Par des rapports de pouvoir qui sont devenus des habitudes. Par des habitudes de domination et de soumission qui sont devenus des secondes natures.

Par la capacité d’opposer les un.e.s aux autres en tirant structurellement sa manne de l’inaction et des disputes.

Par le nationalisme qui se maquille en folklore typique, par le sexisme qui se travestit en habile commerce. Par le racisme structurel qui se camoufle en distinction narcissique.

Par l’air que tu respires, doux très doux jusqu’à l’asphyxie, pendant que d’autres crèvent la bouche ouverte. Par l’interdiction de la contestation, ou alors seulement sur les T-shirt ou Facebook.

Le capitalisme veut ton sourire. Par la complicité. Par la férocité de son appétit, par sa facilité à faire de tes désirs ses besoins; et de tes nouveaux besoins ses échanges monétaires.

Le capitalisme veut ton sourire.

Car de ton silence, de ta colère, de tes prières et lectures, il sait qu’il n’aura pas un sou.

 

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