Dans Le Matin Dimanche, le magistrat de la police et de la santé Mauro Poggia s’en est pris aux jeunes. Il a mis en garde contre la tenue de « rave parties » les interprétant comme « zones de non-droit » et a déclaré qu’il y a : « de plus en plus de groupes de jeunes, sur le territoire genevois, qui n’ont aucun respect pour l’autorité ». Cette façon de stigmatiser les jeunes n’est pas acceptable.
Parler « des jeunes » d’une manière indistincte est réducteur. C’est qui, « un jeune » ? Un pré-ado entre 8 et 12, un adolescent de 12-16 ans, un jeune adulte ente 18 et 25 ou un adulte de 25 à 35 qui écoute du rap ? Faire croire que ce groupe est identifié est un raccourci conduisant à stigmatiser indistinctement tous les jeunes et à créer des boucs émissaires, sans apporter de réelles solutions. S’il y a des « zones de non-droit », ce n’est pas seulement le long du Rhône ou au skate Park de Plainpalais, mais aussi sur les galets bien soignés des plages privatisées et dans les jolies propriétés de la rive gauche. Dommage que certains ferment les yeux sur cette réalité sociale pour toujours s’en prendre « aux jeunes ». Ces derniers paient avant tout au prix fort la crise du Covid-19. Ils ont vécu l’impossibilité de se former, l’éloignement forcé avec les pairs, la difficulté de rendre visite à leurs grands-parents et la perte de leurs petits jobs. Mais aussi, l’impossibilité de se défaire de la famille, étant contraint-e-s de rester à la maison à des âges où l’émancipation et la liberté sont vitales. Une fille de 10 ans nous confiait récemment que le Conseil fédéral était très méchant car il l’avait empêché de fêter son 10e anniversaire! Cela illustre la force du ressenti, la colère et la frustration que peuvent vivre certaines personnes et groupes de notre société. Faire son premier baiser avec un masque n’emballe sûrement personne.
« Les jeunes » ont été parmi les premier-e-s à se mobiliser afin de créer des groupes de solidarité[1]. Par exemple pour faire des courses pour les plus vulnérables[2], nettoyer les bords du lac, prévenir les risques de noyade[3], etc. « Les jeunes » sont avant tout créatifs, créateurs. Il faut arrêter de les rabattre uniquement sur une problématique festive qui dépasse largement leur classe d’âge. Prétendre qu’il y a « un problème des jeunes avec l’autorité » est une sorte de point Godwin du boomer. Cela illustre plutôt le problème qu’a l’autorité avec la jeunesse. Il est urgent de renforcer le nombre de travailleurs sociaux et travailleuses sociales hors murs, les professionnel-le-s de la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle, afin de construire de nouvelles dynamiques inclusives et renforcer le dialogue.
Il est également urgent que les autorités prennent appui sur « les jeunes » pour mieux les entendre et comprendre leur point de vue, s’en faire des allié-e-s dans la lutte contre le Covid-19. Ce sont les expert-e-s de leur classe d’âge. Ils et elles en connaissent les codes et les pratiques. Les décisions des autorités, si elles ne sont pas correctement relayées et pensées un minimum en fonction des destinataires, demeureront inaudibles. Délivrer un message à Forum, au 19:30 et dans la TDG et penser que le boulot est fait est naïf et dangereux. Pour certaines catégories de la population, dont les plus jeunes, d’autres réseaux et canaux doivent être utilisés.
Les autorités ont décidé dans l’urgence de fermer les clubs. Ils ont oublié de consulter celles et ceux qui les fréquentaient. Sonder leur opinion aurait aidé à faire accepter et passer le message. Considérer « les jeunes » comme des acteurs et actrices intelligent-e-s, des citoyen-ne-s concernés, plutôt que « des sales jeunes qui font la fête », permettra d’avoir davantage de partenaires responsables.
Stop à la stigmatisation des jeunes ! Cela ne fait que créer un fossé de mauvaises compréhensions et de tensions.
Oui à une meilleure consultation, davantage d’inclusion et une participation renforcée des jeunes. Et vite!
[1]https://anousdejouer.ch/coronavirus
[2] https://youtu.be/–TsDD8Ayx4
[3]https://www.labarje.ch/projets-socioculturels/projet-de-prevention-mediation-securite-ppms/