Le préambule de notre constitution suisse est parmi l’un des plus beaux textes qui soit. C’est une grande joie de revenir se placer face à lui à l’occasion de la fête nationale. Tout d’abord, parce qu’il contient le rappel d’une transcendance. A l’heure où le court-termisme, la consommation effrénée, l’effacement de soi ou l’orgie narcissique nous oppressent, ce texte nous replace dans une histoire dont l’individu n’est pas la seule mesure. Il nous rappelle à notre existence transitoire et à notre humilité. Il nous invite à être avant tout les relais actifs d’une entité qui nous dépasse.
Ce n’est donc pas seulement au niveau de la volonté personnelle, que l’on agit mais, selon notre préambule : « Au nom de Dieu Tout-Puissant, que le peuple et les cantons suisses, conscients de leur responsabilité envers la Création » agissent. Cela montre également la relativité de nos actions et de nos engagements. La source d’énergie et d’inspiration vient d’ailleurs. Ce Dieu n’est pas défini comme étant celui des Chrétiens, des Musulmans, ou d’une autre religion ou entité. On peut même prendre la liberté de penser que ce Dieu tout-puissant serait une puissance supérieure que chacun-e peut invoquer et dont chacun-e serait le dépositaire et l’héritier-e. Libre, en son for intérieur, de l’invoquer comme moteur à son action. Pour l’un-e ce Dieu pourrait être la liberté, pour un-e autre la justice, etc.
Toujours est-il que quelque chose nous pré-existe. Une Création (à l’origine était un don), duquel nous sommes à la fois responsables et garant-e-s. Cet héritage reçu, il nous revient, individuellement et collectivement d’en prendre soin. Quelle simplicité, quelle beauté dans ce texte !
Cette puissance supérieure est mise au service d’une alliance, une union pour « renforcer la liberté, l’indépendance et la paix dans un esprit de solidarité et d’ouverture au monde ». Alors que certaines politiques ont fait leur fonds de commerce du repli, de la défiance et du mépris de l’autre, usurpant l’amour du pays pour en faire une passion du rejet, se rappeler qu’à la base de notre constitution se trouve la solidarité et l’ouverture au monde est fondamental. La détermination de vivre ensemble dans la diversité, le respect de l’autre et l’équité sont une pierre angulaire. Quelle sagesse dans ces mots !
Mais si c’est au nom du Dieu tout puissant que nous agissons, rien ne tombe du ciel. Rien ne se fera sans notre participation, sans la conscience profonde de bénéficier « d’acquis communs et de devoir d’assumer nos responsabilités envers les générations futures ». Cela est fondamental et nous rappelle à notre responsabilité et redevabilité envers celles-ci. Souviens-toi que la Suisse n’est pas à toi. Tu l’empruntes à tes enfants. Tu as pour mission de la rendre au moins dans un aussi bon état et si possible : bonifiée. Souviens-toi de l’avenir !
Toutes celles et ceux qui s’opposent à l’écologie, et trouvent que les premières mesures prises ici et là pour réduire, par exemple, l’emprise de la voiture dans nos villes vont trop loin, pourraient avec avantage s’inspirer de notre sagesse helvétique nous engageant à ne pas hypothéquer l’avenir des générations futures. La soi disante liberté individuelle ne devrait pas l’emporter sur la responsabilité d’un legs de qualité pour les prochaines générations.
Mais surtout, « sachant que seul est libre celui qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres », notre préambule fonctionne comme un fantastique rappel du combat à mener pour la justice sociale et l’égalité. Nul ne doit être laissé de côté, et notre communauté est affaiblie quand les plus faibles d’entre-nous n’ont pas de quoi se loger ou de quoi manger, des retraites misérables. Cette évidence, cet engagement fort, à la base de notre pays, est aujourd’hui trop bien souvent bafoué.
A l’opposé de ceux qui préconisent de renforcer l’unité de notre pays contre les plus fragiles (les précaires, les malades, les migrants), le préambule de notre constitution nous invite justement à évaluer la qualité de l’alliance de notre communauté avec les plus pauvres.
Notre pays s’est construit sur une exigence solidarité envers ces derniers. Notre communauté ne sera forte et saine que si elle est inclusive.
Ce magnifique préambule, fruit de notre histoire, a une capacité révolutionnaire qui préfigure le monde d’après.
Bon premier août solidaire à toutes et tous.
Vive Genève, vive la Suisse, ouverte au monde et solidaire !