En ce premier mai, le coronavirus menace. La misère sociale qui couve sous les radars médiatique encore plus.
Des voix s’élèvent pour nous inviter à penser l’après-crise. Des philosophes, des politiques, des médecins se projettent dans l’avenir, esquissent des modèles plus ou moins vertueux et se perdent en supputations. Les uns contredisent avec aplomb ce que d’autres annonçaient le jour d’avant avec une autorité scientifique.
Le risque que nous font courir ces exposés d’experts est d’oublier le présent et le quotidien de centaines de milliers de personnes en crise sociale absolue. Comme si la précarité sociale n’affectait pas aussi la santé.
Se centrer sur la crise sanitaire escamote la crise sociale. Avant de penser le monde d’après, il nous incombe de changer le quotidien, ici et maintenant. Dans ce contexte, ce 1er mai 2020 ne ressemblera à aucun autre.
Son slogan : Solidarité, plus que jamais, nous invite à l’action directe.
Aujourd’hui, les classes les plus précaires sont frappées de plein fouet par la crise. Les travailleuses et travailleurs sans statut légal sont éjecté-e-s de leurs logements par des marchands de sommeil sans foi ni loi, les travailleuses du sexe se trouvent confrontées à l’interdiction d’exercer –mais comment payer leurs loyers ? Celles que le manque de ressources oblige à travailler s’exposent aux abus de clients sans vergogne, exerçant chantages ou violences sur elles. Les personnes fragilisées se retrouvent encore plus fragilisés que d’habitude, nombreux ne peuvent plus assurer le paiement de leur loyer.
Des familles entières n’ont pas de quoi s’acheter à manger ; d’autres se privent de tout pour continuer à faire parvenir à leurs proches le minimum vital. 1500 personnes ont fait la file durant des heures à l’école Hugo de Senger le samedi 25 avril pour recevoir du sucre, de la farine, du savon, du papier toilette. À Genève, en Suisse.
L’urgence sociale est totale. Les invisibles d’hier sont maintenus aujourd’hui hors des radars médiatiques, des préoccupations politiques, et des solidarités de base. Comment casser les murs d’indifférence ? Comment renverser les rapports de classe, les molles habitudes et les inerties administratives, qui relèguent des milliers de personnes dans une misère noire ? On entame le troisième mois sans salaires pour certain-e-s…
La réponse médico-policière de l’État qui annonce un déconfinement graduel musclé et peu clair tout en menaçant d’amende celles et ceux qui ne se plieront pas aux injonction d’isolement fait craindre l’accentuation des injustices. L’État montre le bâton, sort la menace.
C’est certes une responsabilité individuelle de se protéger du virus. Mais s’en est encore plus une de se montrer solidaire. Et une responsabilité collective de sortir l’Etat de ses léthargies, de ses démonstrations policières et normative, face à une crise sociale et sanitaire majeure.
Faire changer l’ordre des priorités de l’État, mettre en lumière les inextricables et mortelles inégalités sociales qui aujourd’hui représentent le plus grand péril que notre société doit affronter est un grand défi. Il faut que le lobby des sans-voix et des petites gens monte en puissance.
Le système doit changer, pas demain, pas après la crise, mais immédiatement, au cœur même de la crise. Notre Conseil d’État, là haut, attend toujours son mail, son coup de fil, sa pression, pour bouger. Organisons-nous.
Le coronavirus tue.
La crise sociale qui couve sous les radars médiatique encore plus.
Solidarité, plus que jamais !