La politique, ce sont des projets d’infrastructures, des mesures lourdes et des mesures symboliques. Le beau projet mené conjointement par la Ville de Genève et le Canton de modifier avec une belle économie de moyens les panneaux signalétiques pour les rendre à la diversité démontre que rien n’est figé n’est figé dans le formol, et que la politique peut changer très concrètement notre quotidien.
Le symbole, et l’acte politique fort, dans cette action, c’est que le personnage lambda « neutre » du passage piéton n’est plus un monsieur à chapeau. C’est fini. La société a changé et celles et ceux qui n’avaient pas leur place ne peuvent plus être nié-e-s aujourd’hui. Les citoyen-ne-s de second rang et de longue date (femmes, enfants, aîné.e.s) effacé-e-s de la statuaire urbaine, gommé-e-s des nominations de rue, des commémorations officielles et historiques, refont désormais surface grâce à une volonté politique, celle de la maire de la Ville de Genève Sandrine Salerno. Voilà un joli geste qui aurait dû être unanimement salué. Pourtant, des réactions conservatrices, machistes, voire haineuses et dénigrantes se sont fait entendre. Mon Dieu on a touché à la statuaire. On a remis en cause, par une modeste action, ce qui semblait de tout temps figé dans le métal et bien cadré.
Le mâle engoncé dans son costume ne peut plus prétendre représenter la société à lui tout seul
Tout le monde pourtant: transgenres, étranger-e-s, femme, homme, aîné.e.s, enfants, etc, compose notre société et a donc droit de la représenter. Chacun-e forme la société et donc la symbolise. On pourrait multiplier ces panneaux à l’infini. Je n’en connais pas le nombre en Ville de Genève, mais chaque pièce pourrait être unique.
Le mâle engoncé dans son costume ne représente plus la société à lui tout seul. La prétendue « neutralité » de l’homme blanc à chapeau hégémonique est un archaïsme à déboulonner ou un reliquat d’une époque dépassée à effacer. Comme réponse à celles et ceux qui râlent, la Ville et le Canton devraient augmenter encore la diversité de ces panneaux. Seuls 50% ont été changé… cela laisse encore beaucoup de monsieur à chapeau à remettre à leur place. Et si certains sont montés au pic de l’apoplexie face à ce graaaand remplacement (250 panneaux!!). Dieu sait ce qu’il adviendra quand ce sera 100% … et dans toutes les communes, ou pire encore, quand l’égalité femme-homme sera atteinte.
Une fronde s’est levée contre ces panneaux et sous des prétextes fallacieux (le coût, le côté anecdotique, son caractère non prioritaire, c’est toujours la voix conservatrice crispée et machiste normative qui s’exprime. Le véritable débat est escamoté, on fait croire que c’est un enjeu écologique, financier, normatif. Tout ça pour ne pas affronter le débat de l’égalité. Heureusement des milliers d’autres voix enthousiastes se sont aussi fait entendre. Ce qui démontre que cette mesure met le doigt sur un véritable enjeu, clivant, certes, mais dont il faut discuter.[1] Ce qui montre que tout progrès social ne peut être obtenu que par la lutte, l’engagement, en dérangeant les us et coutumes du groupe dominant.
La polémique semble inévitable du moment que des lignes ayant fait consensus sont déplacées et remis en cause de vieux attributs du sexisme: la place centrale du mâle et de ses représentations. Apparemment, cela fait peur et il faut un peu de souplesse mentale pour changer ces représentations. Certain.e.s se sentent bousculé.e.s, d’autres se crispent, mais avec le temps, on y croit, cela évoluera (si c’était avant 10 générations ce serait bien).
Pourquoi opposer les combats ?
Voilà une mesure simple, une décision politique qui a un impact maximum. La force de cette action est de déboulonner des représentations qui semblaient figées. Et avec une économie de moyens désarmantes d’affirmer l’égalité. Il est absolument incroyables de lire le nombre de réactions outrées, excessives, machistes depuis quelques jours sur ce sujet. Pourquoi autant de haine si cela est si anecdotique ? Cela dénote l’urgence de poursuivre ce genre d’actions.
Ils sont pourtant très beaux ces panneaux, ils ré-enchantent la ville, amènent de la poésie et de la diversité sur certains des éléments les plus formels et rigides de notre environnement urbain. Il n’y pas de petit combat. C’est aussi en virant l’omnipotence des petits messieurs à chapeaux jusque sur le mobilier urbain que des femmes auront accès à des places centrales et de meilleures rémunérations salariales.
Pour conclure, cette action fait plus pour Genève que bien des opérations de communication de Genève tourisme. L’écho est allé bien au-delà de la Sarine, en France, en Belgique… et les réactions enthousiastes se multiplient. On se réjouit d’une si bonne opération qui redore l’image de Genève.
Voilà une très belle carte de visite pour notre cité. On attend de voir les communes qui suivront le mouvement. Remerciements à Madame la maire, Sandrine Salerno, pour ce flair et ce courage politique, de mener le combat pour davantage d’égalité, à tous les niveaux et dans tous les espaces. On ne peut pas plaire à tout le monde. Ce petit pas pour l’égalité montre bien le chemin qu’il nous reste encore à parcourir.
[1]https://www.letemps.ch/suisse/ville-geneve-feminise-panneaux-signalisation