La sieste : discipline amoureuse

  • 03. janvier 2019
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La sieste demande un entraînement de fond et une pratique constante pour atteindre à l’excellence. Tout d’abord, l’échauffement est important: étirement, décontraction. On ne s’engage pas à froid dans une sieste.

Il faut bien préparer son oreiller pour poser sa tête dessus. Pas n’importe comment mais délicatement, en relâchant une à une les vertèbres du cou. Un amateur de la sieste posera sa tête n’importe comment, comme on dépose un sac trop lourd rapidement et avec soulagement. Mais cela ne va pas. Car on risque de se réveiller soit avec un torticolis, soit une crampe, ou même les deux. Méchante blessure de l’amateur, signature du novice. L’apprenti du roupillon qui pense qu’il suffit de s’effondrer et sombrer à n’importe quelle heure du jour pour penser faire une sieste ne fera guère plus que s’assommer un peu.

Un siesteur expert saura se couler dans l’oreiller avec délicatesse, s’y creuser un petit nid moelleux pour son occiput, se réveillant ainsi avec un cou aussi tonique et souple que celui d’un girafon. Quelque soit le lieu, il saura entraîner une sieste de qualité : un bout de banc, la vitre d’un wagon de train, une banquette quelconque ou même le sol brut, qu’il pleuve ou qu’il neige.

Le plus beau sport, c’est la sieste. Il est étonnant qu’elle ne soit pas encore admise comme une discipline olympique. Eh, quoi, les boules, le bridge, l’automobilisme sont bien reconnnues par le CIO, pourquoi pas le petit roupillon alors ?

Réussir un petit somme demande d’importantes compétences techniques. La nage, le football, le cyclisme, n’importe qui peut y exceller, c’est à la portée de chacun.e. Mais la sieste non, c’est autre chose. C’est d’un autre niveau, c’est l’un des sports le plus technique et pointu. La Formule 1 ou la descente à ski ne demandent qu’à se laisser glisser. Et si n’importe qui sait faire tournicoter un volant entre ses mains, il est bien plus difficile d’orienter son souffle et le faire tourner dans son corps en soulevant doucement sa cage thoracique puis son ventre, bien reposer ses jambes, et savoir se relâcher avec souplesse. Essayez pour voir. Respirer doucement, non seulement par le nez, mais chaque narine en alternance, et sans ronfler, qui peut en dire autant !

Se crisper, tout le monde y parvient automatiquement, grincer des dents aussi, serrer des poings, mais se détendre jusqu’à l’abandon, c’est bien plus select.

S’endormir, c’est facile, mais siester c’est autre chose

Bien sûr, le siesteur amateur dormira une heure et même deux parfois, d’une traite, brutalement, ce qui n’est plus une sieste mais presque de l’hibernation. On change totalement de catégorie à ce moment là. Or, tout l’exercice d’une sieste est de contrôler à quel moment on se réveillera. Tous les médecins l’affirment : une sieste c’est 15mn maximum. Au delà c’est contre productif, c’est raté.

Mettre un réveil pour s’alarmer et se réveiller en sursaut? Ruine de l’âme. Autant siester en se chronométrant ou en se dopant en prenant un quart de somnifère. Là encore, cela effacerait tous les bénéfices de la sieste.

Non, une vraie sieste de compétition, une sieste de médaille d’or,  hors catégorie, ressemble à l’abandon. On y entre comme on en sort, comme un nageur qui rentre dans l’eau après une première brasse papillon avant d’y replonger, tout en décontraction et maîtrise.

Parvenu à ce niveau de pratique, on touche à la perfection. A quoi cela servirait-il finalement de militer pour l’abaisser à en faire une indiscipline olympique, alors qu’elle est une discipline amoureuse?

Et en y réfléchissant bien, et après avoir dormi un peu dessus, je crois que le plus beau, c’est de partager sa sieste. Oui : une sieste pratiquée avec l’être aimé, en double, devient même bien plus qu’un sport : un art de vivre.

Eté comme hiver, à toute heure et en toute saison: si on faisait la sieste plutôt que la course?

 

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