Antonio Gramsci nous rappelait que face au pessimisme de la raison, il nous revenait d’opposer un optimisme de la volonté. Mais j’en viens parfois à flirter avec l’épuisement du stock de bonne volonté. Que peut celle-ci quand la violence et l’impuissance semblent partout dominer ? Manifester… à quoi bon ? Écrire des lettres… qui les lira ? Voter, changer les rapports de force… avec quelles forces justement ?
Pour un regard superficiel et pressé, une mauvaise nouvelle chasse l’autre. La tentation d’abandonner guette. Un ami a cessé de lire les journaux, d’écouter la radio. Tout lui semblait oppression ou vain bavardage, écume à la surface des choses. Il ne voyait plus le sens. Il s’est recentré sur son nombril, pratique assidûment le yoga. Oui, très facilement, on peut en venir à désespérer et renoncer, ou à se distraire férocement par volonté d’abrutissement.
Pourtant, si l’on y regarde à deux fois, on constate que les anges occupent le terrain. Oui, les anges ! Permettez-moi un mot sur ceux-ci, car dans ce monde traversé de spasmes, ils font rarement la une des journaux. Ils travaillent sans relâche pour sauver des vies, mettre des personnes en lien, tendre la main, éviter les catastrophes. Ils sont légion. Ils sont partout.
J’ai appris à les reconnaître. Rien à voir avec les représentations d’angelots imberbes à grelots ouatés qui leur colle à la peau. Pas de petites ailes non plus, ni d’air béat. Ils ont un regard franc, un sourire doux. Ils travaillent à voix basse, modestement, pour soigner, orienter, renverser la fatalité des choses. Je connais des anges. Je les rencontre tous les jours, au coin de la rue ou au carrefour des coeurs. Je sais à quoi ils ressemblent et de quoi ils sont capables. Et si on leur donnait davantage de place ?