Venue de Zemmour à Genève: le million dont on ne devrait pas parler

  • 26. juin 2022
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Le coût de la venue d’Eric Zemmour à Genève n’est officiellement toujours pas transmis. Lorsque des journalistes ont demandé au Département en charge de la police le coût du déploiement policier pour la venue du polémiste d’extrême droite à Genève, son porte-parole, Laurent Paoliello, n’a donné ni chiffre ni détails : «Tout ce qui a été mis en place entrait dans la mission de base de la police.» [1] Il faisait écho aux premières déclarations de la police [2] restant vagues sur le dispositif engagé[3].

Un engagement sécuritaire démesuré

Selon nos estimations, le dispositif, jugé démesuré par de nombreux observateurs, a coûté près d’un million. Faisons le compte: 380 policiers engagés pour 10-12 heures de travail au tarif de 150.- de l’heure = 684’000.- Environ 200 policiers d’autres cantons payés par les collectivités au même tarif = 360’000.- L’engagement des démineurs pour une fausse alerte, le probable engagement d’un hélicoptère, les heures passées en amont et en aval de l’événement, nous amènent probablement au-delà du million. Parlons-en.

Une mobilisation de plus de 500 policiers pour 700 manifestants pacifiques, est-ce bien nécessaire? Cette question devrait pouvoir être posée, débattue en toute transparence. Les Genevois-es ont le droit de savoir combien leur coûte tel ou tel événement; pourquoi lorsqu’ils manifestent démocratiquement dans la rue, ils ont automatiquement un camion de police devant eux et un derrière. Mais quand ils se sentent menacés dans une ruelle le soir, ou lorsqu’ils appellent la police pour tapage nocturne,  il leur est immanquablement répondu d’attendre.

Dire: « Cela est pris sur les frais de base, donc cela ne coûte rien » est faux. 

L’analyse faite par le Département en charge de la police est fausse. Il est erroné de dire que ce genre de manifestation entre dans les missions de base de la police et qu’il n’y a donc ni à en détailler le coût, ni que son prix est effectif. En rendre compte ne reviendrait pourtant pas à entrer dans « l’opérationnel » mais à respecter la loi (Article 21 de la Loi sur l’information du public et l’accès aux documents (LIPAD). Il est faux de dire que du fait qu’il n’y a pas d’heures supplémentaires engagées, il n’y a pas de coûts, ni que celui-ci ne peut être débattu.

Aux journalistes, aux député-e-s, aux citoyen-ne-s qui ont demandé pourquoi la collectivité devait financer un dispositif de sécurité démesuré pour Monsieur Zemmour, le Département de la sécurité a refusé de leur répondre. La question est pourtant centrale : pourquoi réunir en surnombre des policiers ici alors qu’ils manquent là?

Un manque de transparence anti-démocratique 

La volonté du Département de la sécurité de ne pas donner de chiffres est constante et récurrente. A la question écrite d’un député [4] qui demandait combien d’agents de police avaient été engagé lors d’interventions dans le cadre d’une déambulation cycliste, le Conseil d’État répondait ceci: « La police ne transmet pas les informations relatives aux effectifs engagés pour des raisons tactiques et de confidentialité. Chaque événement a sa propre typologie et les engagements sont à chaque fois différents et respectent les principes de légalité, proportionnalité et opportunité pour assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics. » A un autre député questionnant une présence policière massive lors d’une manifestation pour l’exercice de droits démocratiques, il était répondu : « Un nombre de policiers suffisant était engagé. A cet égard, il est à préciser que la police ne dévoile jamais le détail et la qualité des effectifs, pour éviter des comparaisons qui n’auraient pas de sens compte tenu que chaque évènement est différent et demande à chaque fois une analyse rigoureuse pour disposer et engager les moyens et les forces de l’ordre nécessaires pour accomplir la mission« .[5]

Résumé: Le Département de la sécurité ne veut pas chiffrer les engagements de police ni leur coût. Cela, en démocratie, est extrêmement problématique. Quel autre corps de métier, quelle entité pourrait ainsi botter en touche et s’affranchir de toute transparence et redevabilité ?

Conclusion: Certainement plus d’un million de francs a été dépensé par la collectivité pour protéger la venue d’un polémiste d’extrême-droite à Genève n’ayant ni titre ni fonction officielle. Le Département de la sécurité a refusé de donner aux journalistes qui en faisaient la demande le nombre des forces engagées et le coût total de l’opération. C’est un déni de démocratie.

La venue de Zemmour à Genève: le million dont on ne devrait pas parler.

Pourquoi ?

 

[1]https://www.20min.ch/fr/story/les-couts-figuraient-dans-la-mission-de-base-de-la-police-200298046997

[2]https://www.tdg.ch/gros-dispositif-de-securite-a-la-gare-pour-la-venue-de-zemmour-403335843643

[3]https://www.tdg.ch/venue-deric-zemmour-lhotel-hilton-evacue-apres-des-alertes-au-colis-piege-500905026906

[3] LIPAD Loi sur l’information du public et l’accès aux documents 

Art. 21      Autorités de police

1 Les autorités de police informent sur toutes leurs activités de nature à intéresser le public, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose.

[4]https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01361A.pdf

[5]https://ge.ch/grandconseil/data/texte/QUE01361A.pdf

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