Préparez le chemin du Seigneur… supprimez le culte des routes

  • 26. juin 2022
  • Genève
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C’est une fierté nationale. Elles sont lisses, innombrables, proprettes. Sur les routes de notre pays, on peut y manger. Avec le retour du soleil, le culte qui leur est voué reprend avec frénésie. Des armées d’ouvriers creusent et rebouchent, décapent et recouvrent, aménagent et bichonnent avec une folle débauche de moyens et un gaspillage de ressources financières.

Le coûteux raffinement de l’art de la route est sans limite. Subtils décrochages, ciselures des bords de routes, raffinement de l’évacuation des eaux, sans oublier les innombrables panneaux à la savante sémiotique. A l’heure de l’urgence climatique, l’énergie dépensée pour bitumer l’environnement est saisissante.

Nos routes sont pareilles à des toiles de Soulages. On s’y retrouve comme au cœur d’un musée d’art contemporain. C’est minéral, absurde et spectaculaire. Les herbes sont coupées ras au mépris de la biodiversité. Les faucheurs, par zèle ou pour tuer l’ennui, taillent dans les talus. Aucune plante, aucune vie ne doit approcher du goudron. Si un hérisson s’y hasarde : qu’on l’écrase ! Des hectolitres de peintures, style grand prix de formule1 ou ponton de porte-avion, sont coulés avec une précision millimétrique et maléfique sur les sols.

Si le financement ahurissant des routes est choquant, le mépris de la nature l’est encore plus. Littéralement, on lui roule dessus. Une petite route de campagne avec des nids de poule ? – Cela n’existe plus. Un chemin de traverse en gravillons ? On le bétonne ! Même dans le plus petit des villages, alors qu’un cheminement sobre suffirait, on bitume. La terre, c’est sale, l’herbe ça glisse. Des véhicules toujours plus gros et lourds veulent des routes toujours plus grandes et gourmandes en coûts d’entretiens. Résultat : les budgets pour les routes dépassent les bornes. La Confédération a annoncé en début d’année débourser plus de huit milliards de francs pour l’entretien des routes entre 2024 et 2027 ! S’y ajoute quatre milliards pour l’extension du réseau, ce qui fait 12 milliards sur 3 ans donc, sans même comptabiliser les sommes faramineuses que les communes et les cantons gaspillent également dans celles-ci.

Dans notre pays, on soigne mieux les routes que les gens ; on prend davantage soin d’elles que du climat.

Préparons le chemin du Seigneur, supprimons l’inutile et coûteux culte des routes.

 

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Ce texte est paru dans le dernier numéro d’ Echo Magazine https://echomagazine.ch

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