Bannir les pauvres de la première classe est-ce utile?

  • 07. février 2022
  • air du temps
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La journaliste Marianne Grosjean interroge, dans une article de La Tribune de Genève,  le bien fondé, pour certains groupes, de se réunir sans que n’importe qui puisse y participer. Ces groupes fermés, en mixité choisie, excluent de fait d’autres catégories considérées par ces groupes comme des dominants. Par exemple les mâles, les blancs, les patrons, voire les trois à la fois. Dans son article : « Bannir les blancs des réunions, est-ce utile? »[1] Marianne Grosjean laisse entendre que cela n’aurait pas vraiment lieu d’être.
Ce qui interpelle, dans sa réflexion, c’est qu’elle se pose cette question uniquement au sujet de minorités revendiquant des droits. Aucunes critiques de sa part sur les groupe de papas ou les baby shower, clairement genrés et excluants, mais socialement valorisés. Et quid du golf club, des Kiwanis club et autres cercles fermés, des bénéficiaires de premières classes qui cultivent l’entre-soi (faudrait-il écrire le communautarisme?) au nom de la distinction sociale ?
Dans notre société où trônent les restos et bars pour riches, les jets pour riches / quartier pour riches / fêtes pour riches / excluant de fait tous les autres, s’il est un communautarisme particulièrement virulent et excluant, c’est bien celui de l’argent. Celui que tout un appareil culturel et politique légitime. Etant clairement entendu que l’essence d’un système de domination est de le faire passer comme naturel, intangible.
L’argent à ce pouvoir qu’il crée de la mixité (très très) choisie sans même avoir à l’énoncer. Il n’y a pas besoin d’avoir un bachelor en sociologie pour constater que les élites se reproduisent entre elles. Vous ne serez jamais admis à une bamboula dans une villa de Cologny sans montrer patte blanche.
On se réjouit donc déjà de lire le prochain article de Marianne Grosjean sur le golf club de Genève ou la Société Nautique et l’extension de sa réflexion sur l’implacable distinction entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas. On peut même lui souffler quelques idées de titre. Par exemple : Exclure les pauvres des voyages de 1er classe, est-ce utile?  Exclure les pauvres d’une nourriture de qualité… de l’accession à la propriété, de soins dentaires, est-ce utile? etc.,
Le véritable pouvoir d’exclusion est celui de la classe. Et les murs et les clubs et les polices  et les langages chargés de les faire respecter sont un million de fois plus hermétiques que n’importe quel sous-groupe de la grève féministe ou de l’organisation Faites des vagues ; plus implacables même que la mâchoire serrée d’un videur de la boîte de nuit Java Club.
Il y a d’évidence d’un côté ceux qui ont et en jouissent et de l’autre ceux qui n’ont pas et en pâtissent. D’un côté ceux qui vont au golf club et de l’autre les abonnés à vie à Mbudget, EasyJet.
Passer comme chat sur braise sur les clubs de riches, les terrains privatifs et les abonnements à la carte, c’est faire preuve d’un sacré strabisme, voire d’une complicité désarmante.
Défendre un pseudo universalisme inclusif en escamotant les distinctions sociales et critiquant les minorités qui s’organisent pour tenir des réunions où peuvent s’exprimer en toute quiétude les blessures vives et les stigmates d’une violence sociale, c’est révéler que ce qui dérange là c’est avant tout la nature politique de ces réunions en mixité choisie.
De cette posture qui prétend même faire la morale en invoquant jusqu’à Lao Tseu et Martin Luther, on ne distingue qu’une chose : un privilège de classe.

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