A quel saint se vouer?

  • 04. février 2021
  • Genève
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La nécessité légale de dissimuler une partie de son visage oblige à faire un parallèle avec celles et ceux qui, hier, s’opposaient au port du voile pour des communautés religieuses et voulaient le bannir jusque dans l’espace public.

La force avec laquelle le port du masque est aujourd’hui imposé par l’État démontre la variabilité et la rapidité avec laquelle les choses changent ; la nécessaire adaptation dont l’humain fait preuve pour vivre et survivre. La flexibilité des règles et valeurs qu’il se donne.

Certains légitimaient par la défense de « valeurs », la nécessité de montrer son visage. Ils invitent aujourd’hui à se voiler au nom de la santé. Les fondamentalistes laïc, les prescripteurs du visage nu s’agenouillent sans souci devant le voile. Cocasse.

Que n’a-t-on pas entendu de la part des anti-masques pour refuser d’accepter que des gens se couvrent la face?  De la tradition de nos pays de montrer un visage découvert, d’un prétendu héritage chrétien, à la volonté de lutter contre le hooliganisme, les black bloc ou la burka. Et que redécouvre-t-on ? Que le voile est désormais utile, un must imposé par l’Office fédéral de la santé publique. LOL.

Nos grands-mères portaient des fichus dans les campagnes pour se protéger du soleil et des poussières. Ce bout de tissu tant décrié est désormais imposé de force sous menace de l’amende, partout, par nos autorités. Les mêmes qui hurlaient à l’oppression des femmes imposent à toutes et tous de se couvrir le visage. Ils réajustent le masque de leurs ados quand ces derniers passent la porte de la maison. Le masque a naturellement pris place sur les bouches et le nez, avec même des allelouias quand, sur le tarmac de l’aéroport de Cointrin, des gros porteurs atterrissent, chargés de masques chinois.

Les islamophobes qui hurlaient à la nécessité de dévoiler son visage en toute circonstance se drapent désormais la bouche avec un tissu qu’ils réajustent scrupuleusement, comme s’il s’agissait d’un acte saint.

Et il y a pire qu’un blasphème: une transgression. Par exemple se rendre compte que l’on  n’a pas de masque dans sa poche pour rentrer dans un commerce; ou plus grave encore : une fois dedans, constater que l’on a oublié d’en mettre un, ayant commis l’irréparable.

On se lavera alors scrupuleusement les mains en récitant trois je vous salue HUG, de crainte de se retrouver avec un ventilateur dans les bronches. Punition divine ?

Il y a quelque chose de stupéfiant de voir notre société qui vouait le voile aux gémonies et la religion aux oubliette se masquer en se signant de peur de tomber malade.

Les courbes des contaminations sont suivies avec une foi sacrée dans les paroles du docteur P. ou de Madame T. prévisiologues de la santé. Se retrouvant déboussolés, craignant l’apocalypse, la fin du monde, une mort prochaine, notre société si arrogante, si dominante, si sûre d’elle-même et dans sa technique, se retrouve à genoux, cherchant des coupables, des responsables, des boucs émissaires et des prophètes (Raoult), pestant sur ceux qui éternuent ailleurs que dans leur coude, chassant enfiévrés les fiévreux, éructant sur les postillonneurs à la manière de Torquemada dans un monde ressemblant de plus en plus au brave new world d’Aldous Huxley.

Les bûchers pour les pestiférés sont à deux doigts d’être rallumés, alors que les couvre-feu entrent en vigueur. 

Contraints de se coller des bouts de tissus sur la bouche et se laver les mains comme on fait ses ablutions pour se purifier, celles et ceux qui vouaient le voile à un archaïsme de l’histoire se retrouvent à faire du masque chirurgical leur nouveau totem.

D’un voile à l’autre, le retournement qui vient de se produire est édifiant. Un gouffre de perplexité s’ouvre sous les pieds de celles et ceux qui chassaient le spirituel et croyaient à une science positiviste assurée, avec foi ardente dans la médecine. Certains ne savent désormais plus à quel saint se vouer. Retrouver le monde d’avant ou s’effrayer du monde d’après?

Les dieux puissants de la science et du marché ont brutalement chuté de leur piédestal.

Par quoi, par qui seront-ils remplacés ?

Si la responsabilité individuelle et l’intelligence collective sont une nouvelle religion, il est urgent que ses adeptes se rassemblent et que le plus grand nombre de personnes possibles s’y convertisse.

 

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