Y’en a pas comme nous ?

  • 11. mai 2020
  • air du temps
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La marque Suisse a fait bonne figure lors de la pandémie nous dit Nicolas Bideau, directeur de présence suisse. Cela nous fait une belle jambe. Ce denier, sans vergogne, alors que les files de personnes s’allongent à Genève pour avoir de quoi manger, affirme que l’image de la Suisse sort renforcée de l’épidémie liée au nouveau coronavirus. Dans un entretien[1]  au journal Le Temps il égrène les domaines dans lesquels notre pays (y’en a pas comme nous) s’est illustré.

L’industrie pharmaceutique : y’en a pas comme nous ! L’application qui doit permettre de retracer les personnes infectées par le coronavirus : y’en a pas comme nous ! Le système sanitaire qui n’a pas craqué et nous a évité un « bad buzz international » : y’en a pas comme nous ! Le « tennis at home challenge » lancé par Roger Federer : « un buzz mondial qui nous a profité. » Dans le même registre, le conseiller national PDC Vincent Maître s’autocongratulait de la démocratie Suisse en publiant une photo des parlementaires entassés dans un tram avec des conseillers fédéraux, en légendant : il ne doit pas y avoir beaucoup de pays au monde où l’on peut tomber à 22h passée dans un tram tout ce qu’il y a de plus ordinaire, sur une vingtaine de sénateurs et députés fédéraux, ainsi que le dernier Président de la Confédération, rentrant chez eux après une session lors de laquelle près de 60 milliards ont été voté. Y’en a pas comme nous ! Pourtant, si c’était pour s’entasser dans des trams sitôt la séance terminée, sans respecter les mesures de distance physique, ils auraient pu siéger au Palais fédéral, cela aurait fait des économies. Le coût de cette session s’est monté à 3.4 millions.

 

Le directeur de présence suisse, et tous les adorateurs de vitrine, n’ont pas dû lire Le Monde du mardi 5 mai qui titrait « À Genève, la pandémie de Covid-19 révèle une misère sociale jusque-là peu visible »[2] , mettant en avant que jamais Genève, l’une des dix villes les plus riches au monde, n’avait imaginé accueillir une distribution de tels vivres à des milliers de personnes dont la majorité n’a même pas d’assurance maladie[3]. Le New-York Times [4] a lui relayé une vidéo montrant  une des distributions de biens de premières nécessités sous l’égide de la Caravane de la Solidarité avec l’appui de la Ville de Genève avec la légende suivante : « Dans l’une des villes les plus riches et les plus chères du monde, les travailleurs pauvres et migrants souffrent de restrictions liées au coronavirus ». Comme l’a rappelé le Conseiller aux États Carlo Sommaruga sur son compte twitter : « cela est humainement insupportable et plus dramatique encore dans la Genève internationale, capitale mondiale de l’humanisme et de l’Agenda 2030 qui fait de la lutte contre la faim et la pauvreté l’une de ses priorités ».

Aux auto-satisfaits, à celles et ceux qui seraient tentés comme Bideau de dire : « tout va bien madame la marquise » et de se vautrer dans la communication complaisante tout en balayant sous le tapis précarités sociales, travailleuses et travailleurs invisibles, nous leur disons que nous ne nous laisserons pas endormir par ces discours de classe déconnectés de la réalité. Si Genève est aujourd’hui internationalement sur le devant de la scène, c’est en raison des files de pauvres qui s’allongent et nous révoltent, et c’est une honte pour notre Ville.

Rien qu’à Genève, selons Caritas, 13’000 personnes travaillaient sans statut légal. Elles se retrouvent aujourd’hui dans une immense précarité. Il faut y ajouter les travailleuses et travailleurs pauvres, les retraité-e-s, les familles monoparentales, etc., toutes celles et ceux que la crise à fait basculer dans la misère.

Alors, quand certains disent « y’en a pas comme nous » et envoient le police pour faire disparaître les pauvres de l’espace public, punir celles et ceux qui tentent de leur amener des biens de première nécessité, nous répondons : il ne dépend que de nous de construire une société plus juste, en défendant mordicus les droits et la dignité de toutes et tous, ici et maintenant.

Si seulement nous arrivons à faire disparaître la pauvreté de notre Ville et de notre pays, alors seulement pourront nous dire : Y’en a pas comme nous. Mais avant cela, rien ne mérite fanfaronnade.

Rien.

 

[1] https://www.letemps.ch/suisse/nicolas-bideau-limage-suisse-sort-renforcee-crise

[2] https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/05/geneve-la-pandemie-de-covid-19-revelateur-d-une-misere-sociale-invisible_6038709_3210.html

[3]  https://www.rts.ch/info/regions/geneve/11309509-60-des-personnes-qui-ont-fait-la-queue-pour-manger-a-geneve-n-ont-pas-d-assurance-maladie.html

[4] https://www.nytimes.com/video/world/europe/100000007131162/geneva-food-line-coronavirus.html?fbclid=IwAR2OEAY_mfQg_c2sosWSy6-52AdRWlwgAZzs6uiacHxmikF32slGEkBhVyk

 

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