Pourquoi l’UDC ne veut-il pas d’une loi anti-homophobie ?

  • 11. mai 2020
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Pourquoi l’UDC est-il opposé à l’extension de la norme pénale antiraciste à l’homophobie sur laquelle le peuple suisse votera ce dimanche? La réponse est que certains élus UDC sont tombés sous le coup de l’article 261bis du code pénal.

L’UDC compte en tout cas deux élus nationaux qui ont été traduits en justice en application de l’article 261bis du code pénal. Jean-Luc Addor[1] conseiller national UDC valaisan et ancien juge(!) avait été reconnu coupable de discrimination raciale pour un message posté en août 2014 sur les réseaux sociaux Twitter et Facebook. Il avait écrit «On en redemande!» quelques minutes après une fusillade mortelle dans une mosquée du canton du Saint-Gall. L’UDC valaisan avait ensuite tenté de se justifier en attaquant… la justice (!) affirmant que la justice valaisanne était instrumentalisée par les barbus les plus radicaux.[2] L’UDC a finalement prétendu que le jugement était «politique» et que Jean-Luc Addor avait été condamné «pour tout son engagement politique contre l’islamisation de la Suisse et de l’Europe», mettant en doute l’indépendance de la justice valaisanne. La dernière défense de ceux qui bafouent la justice, c’est en général de s’en prendre à elle.

Comment peut-on être condamné pénalement et prétendre toujours représenter la collectivité? L’UDC manifestement ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. A chacun-e de juger ce qu’il reste du devoir d’exemplarité d’un élu quand il la foule aux pieds. Pour Erich Hess également, l’article 261 bis a fonctionné comme un révélateur. Pour rappel, le candidat au conseil national UDC, défendu par Yves Niedegger, conseiller national UDC genevois, avait parlé de «nègres qui dealent». Les jeunes Verts et la Jeunesse socialiste l’avaient accusé de racisme. Erich Hess s’était caché derrière sa toute neuve immunité d’élu pour échapper au verdict. Or l’immunité d’un élu ne peut être le droit de faire ou dire n’importe quoi. Cette affaire avait ramené sur le devant de la scène une déclaration d’Ueli Maurer alors président de l’UDC qui s’exprimait ainsi :  » tant que j’utilise le mot nègre, les caméras restent sur moi »[3]. Ce n’est pas pour rien que l’UDC déteste l’article 261bis.

Ce dimanche, l’UDC s’oppose à l’extension de la norme pénale à l’homophobie. Non pour défendre la liberté de parole ou la démocratie, mais pour garder ses abus impunis et se protéger elle-même de la démocratie. Ce parti sait très bien que si la norme pénale passe, les chances que l’on retrouve l’un ou l’autre de ses élus devant les tribunaux sitôt cette extension validée sont réelles, car la haine, l’intimidation et le dénigrement est consubstantiel à la politique menée par ce parti. Ce n’est pas pour rien que l’UDC déteste l’article 261bis.

 

Dans le Canton de Vaud, début 2020, le président UDC du Grand Conseil qui a dû démissionner pour des menaces qualifiées envers sa femme. Ce monsieur, sous la pression politique, a fini par jeter l’éponge, démissionnant du Grand Conseil.[4] Les partis de gauche avaient demandé la démission de l’UDC, estimant qu’une telle condamnation était incompatible avec sa fonction d’élu du canton.[5] Sous la pression, l’élu UDC a admis que sa condamnation pénale le rendait illégitime à représenter le peuple. En effet, comment pouvoir prétendre à l’exemplarité et honorer la collectivité quand on ne respecte pas ses lois, quand on bafoue son serment de servir le peuple plutôt que de se servir de ses poings ?

Pourquoi l’UDC s’oppose-t-il ce dimanche 9 février à l’extension de la norme pénale anti-raciste à l’homophobie? Pas par grandeur d’âme, pas parce que ce parti serait pour la « liberté d’expression » mais parce que ce parti défend becs et ongles sa liberté de diffamer, de menacer, d’intimider, et réclame pour cela l’impunité.

Le peuple suisse a l’occasion, ce dimanche, de marquer dans la loi qu’il n’y a pas d’impunité pour celles et ceux qui propagent la haine.[6] Le peuple a le pouvoir de leur indiquer que la seule direction qui vaille pour eux dans notre pays c’est celle des tribunaux. La démocratie, n’est pas un paillasson sur lequel on s’essuie les pieds, l’État de droit c’est une entité qui se défend, et permet de trancher entre ce qui se fait ou ne se fait pas, se dit ou ne se dit pas. A chacun-e ensuite d’en assumer les conséquences.

La norme pénale 261bis est utile. Elle a permis que des élus au comportement inadmissibles soient traduits en justice et condamnés. Elle doit clairement et massivement être étendue ce dimanche afin d’inclure les propos homophobes, pour que celles et ceux qui s’en prennent à des minorités répondent de leurs faits et gestes devant les tribunaux.

Un élu condamné pénalement a-t-il encore sa place dans un parlement? Pour l’UDC manifestement, c’est oui. Ce parti s’accommode fort bien que ses élus soient condamnés par la justice pénale. Par la gauche, c’est non. Ce que l’ensemble de la classe politique ne tolère pas, l’UDC s’en accommode. Il nous appartient de rappeler à l’UDC qu’en démocratie, il existe des règles, et que celles et ceux qui ne les respectent pas sont sanctionnés. Cela s’appelle la loi. C’est la grandeur de la justice que de l’appliquer, afin que chacun.e soit protégé dans ses droits, quel que soit son âge, son origine, son orientation sexuelle ou son statut social.

 

[1]https://www.lenouvelliste.ch/articles/valais/canton/jean-luc-addor-condamne-pour-discrimination-raciale-suite-a-son-tweet-on-en-redemande-694170

[2]https://www.cath.ch/newsf/condamnation-de-jean-luc-addor-ludc-parle-dune-justice-instrumentalisee-barbus/

[3]https://www.24heures.ch/suisse/deux-udc-delicatesse-norme-antiraciste/story/22904021

[4]https://www.lfm.ch/actualite/vaud/yves-ravenel-devoile-lordonnance-penale-le-condamnant/

[5]https://www.letemps.ch/suisse/grand-conseil-prend-acte-demission-ludc-yves-ravenel

[6]https://www.arcinfo.ch/dossiers/votations-federales-du-9-fevrier-2020/articles/norme-anti-homophobie-les-opposants-veulent-proteger-la-liberte-d-expression-880522

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