Lettre ouverte à ceux qui se sont appropriés la route

  • 11. mai 2020
  • air du temps
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Cher motoriste,

Tu as gagné.

Je l’accepte, c’est acquis. A l’avenir, je n’essaierai plus de me tasser le long des trottoirs pour te laisser passer. Je ne partirai plus 3 secondes avant toi alors que le feu est encore rouge, pour ne pas risquer de me faire écraser quand tu lâches tes chevaux.

Je ne mordrai plus jamais sur les trottoirs pour te laisser le champ libre (au boulevard Georges Favon notamment, ou à la rue Wendt). Je n’embêterai plus les piéton.ne.s, en aucune façon. C’était une grave erreur de te laisser toute la place et d’enquiquiner des usager.e.s encore plus vulnérables, en empiétant ici et là sur leur espace vital. Je ne slalomerai plus sur les voies de tram, risquant la chute à chaque changement de direction

C’est fini. Tu as gagné. Désormais, je prendrai ma place sur la route. Simplement.

Après tout, tu es à 90% du temps seul dans ta voiture comme je suis seul sur mon vélo. Pourquoi la route serait-elle à toi ? Nous allons à la même vitesse en ville, nous nous rendons au final du point A au point B à la même allure. L’air conditionné, la musique pour toi, les risques et les cassages de gueule pour moi ? Non. Désormais c’est acquis, je roulerai au milieu du chemin, sans me tasser, sans me faire encore plus petit devant ta tonne de ferraille.

J’en profite pour inviter toutes et tous les cyclistes à faire de même. Prenez la route. Vous serez davantage en sécurité. La stratégie de se tasser dans les coins ou attendre d’improbables pistes cyclables a échoué.

Cher motoriste,

C’est fini.

Je ne veux plus me prendre les portières qui s’ouvrent quand je longe les rangées de bagnoles parquées. Je ne veux plus me faire frôler à 20 centimètres parce que la route n’est plus assez grande pour ton 4X4 surdimensionné. Je refuse de déboiter sur la route parce que  la piste cyclable (quand il y en a une) est encombrée à choix :

1) de scooters qui la prennent pour une voie rapide

2) de véhicules de livraison qui stationnent dessus, de voitures garées le temps d’une course (ou plus)

4) de détritus divers : de neige en hiver, de verre cassés en été

5) de bagnoles qui sortent de leur parking et pour s’inclure dans le trafic barrent le chemin ou déboulent sans crier gare

Cher motoriste,

ça suffit.

J’en ai marre de l’interminable provisoire; des pistes cyclables non finies, de celles qui s’arrêtent abruptement. De la dangereuse piste temporaire sur le pont du Mont-Blanc, à l’essai depuis… 2017; de slalomer entre les touristes à l’horloge fleurie, me faire envoyer sur les trottoirs alors que tu te royaumes sur la route, et mange tout l’espace; marre de la peinture qui s’efface, des trous sur le bord de la route, de céder le passage. Les 30 glorieuses sont finies, ton règne aurait dû s’arrêter avec. Promis, je ne parlerai même pas ici de pollution, même si ce sujet devrait te faire réfléchir.[1]

L’air conditionné pour toi, l’asthme pour les autres, ce n’est pas tout à fait juste non plus.

Cher motoriste,

J’étends aussi la lutte au parking. Je ne parquerai plus mon vélo sur les trottoirs, ni le long des fenêtres, ne l’accrocherai plus au poteau alors qu’il y a de grandes places libres toujours pour toi seul et ton imposant véhicule. 1 véhicule = 1 place. Soit. Nous voilà donc à égalité, sur la route comme pour le stationnement.

Ne t’impatiente donc pas trop quand tu seras derrière moi. Tu es longtemps passé à côté sans me voir. De toute façon l’embouteillage est généralisé. Désormais tu verras une autre partie de mon anatomie. Profite-en bien.

Pour conclure, et si tu me trouves trop lent ou trop radical, ou si comme moi tu en as marre de cette incurie dans les transports genevois, n’oublie pas qu’il y a un responsable politique cantonal qui est censé mettre de l’ordre dans cette gabegie et qu’il serait temps qu’il fasse de vrais choix, parce qu’à faire un peu de tout pour personne, ou rien pour tout le monde, la ville continue à s’engorger et l’insatisfaction à croître.

Envoie-lui des petits mots quand tu es arrêté dans ta voiture.

Sur mon vélo je ne peux pas écrire.

Bien à toi. Bonne route.

Amitiés.

 

[1] https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/geneve-maintient-alerte-pollution-lair/story/10127835

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