Le sexisme n’est pas un produit d’importation

  • 03. janvier 2019
  • Genève
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Suite à la terrifiante agression de 5 femmes à Genève, des partis politiques de droite et d’extrême droite veulent amalgamer violence sexiste et étrangers. Ils essaient de vendre que le sexisme pourrait être limité à la rue et circonscrit à de hordes sauvages en rut, qui viendraient de l’extérieur. Rien n’est plus faux. En Suisse deux femmes sont tuées chaque mois par leur conjoint ou ex conjoint. Au total, une femme sur cinq a été victime de violences (physiques, sexuelles) au cours de son existence.[1] Les faits le démontrent. Le sexisme et les violences de genre sont largement répandues et touchent toutes les catégories sociales, professions, qu’elles que soient l’origine et la nationalité de leurs auteurs.

Le sexisme n’est pas un produit d’importation. Il se fabrique dans notre pays. Il est estampillé swiss made et se cultive dans ce pays depuis des générations, se transmettant avec le naturel de l’air que l’on partage. 

Ayant fait toutes mes classes à Lausanne, effectué mon service militaire à Savatan comme mitrailleur de montagne, joué au football jusqu’aux espoirs du Lausanne sports, je peux témoigner qu’au vestiaire, à la caserne, dans les réfectoires, les bonnes valeurs suisses qui m’ont été transmises, celles bien de chez nous, étaient celles du sexisme, de la domination masculine, de l’injure décomplexée, et du virilisme mal placé.

Pas besoin d’avoir fait une longue migration pour être persuadé qu’en tant qu’homme on est le centre de l’univers, car on y est éduqué. Il m’a suffit de suivre une scolarité normale, faire des études standard, et passer mes week-end dans le gros de Vaud et dans des camps de sport alpins pour devenir un bon petit mâle sexiste, bien dans la norme.

Moi, Sylvain T, mâle helvète 

Les modèles que j’ai eu (à quelques notables exceptions près): du caporal à l’entraîneur de football au joueur professionnel de football doté d’une femme potiche sexy à ses bras, m’ont appris principalement à m’alcooliser en groupe, être initiée au royaume du porno, aux joutes de celui qui à la plus longue et se rit du plus faible… etc.,

Mon père, médecin, fils de paysan de la Broye n’a pas été ce que l’on peut appeler un gentleman avec les femmes et encore moins avec la sienne. Il était reconnu en société et a mené une carrière remarquable. L’homme à la maison montrait parfois un autre visage.

J’ai été éduqué dans un monde où le masculin était dominant, parlait fort, prenait une place maximale, devait être capable d’imposer sa puissance ou la faire subir. J’en ai été imprégné, naturellement. Je parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Mais quand je regarde autour de moi, je ne crois pas qu’il ait encore fondamentalement changé. Considérant le sexisme, on est encore à l’âge de pierre en Suisse. Et le plus grand risque vient de l’intérieur de notre caverne, pas de l’extérieur.

Dévoilons ce sexisme que l’on ne saurait voir

Certains et certaines, notamment la présidente des femmes PDC Suisse, Babette Sigg, des leaders de l’UDC, aimeraient nous faire croire que la menace vient de l’extérieur, qu’elle est le fait de l’étranger et de migrant.[3]

Ce serait si « confortable » de protéger notre caverne patriarcale et penser que la menace vient d’ailleurs. Mais cette façon de penser revient à prolonger la durée de vie du patriarcat, maintenir un sexisme caché, et laisse entendre que le sexisme peut être circonscris à certains groupes exogènes.

Or, ce que les faits et l’affaire Weinstein, ou Dominique Strauss-Kahn parmi tant d’autres, ont mis en exergue, c’est plutôt que le sexisme touche tous les milieux. Bien souvent, les femmes étrangères sont victimes de violences de la part de bons petits mâles, suisses ou autres. Une violence institutionnelle s’exerce alors avec férocité sur ces femmes victimes de violences conjugales (crainte de porter plainte, obstacle au renouvellement du titre de séjour en cas de séparation, etc).[3]

 

Le couple : risque mortel

Le milieu le plus à risque est… le couple. La première question d’un.e docteur.e recevant une femme en en consultation devrait être : êtes vous en couple, comment cela se passe-t-il ? Avez-vous subi des violences durant les 6 derniers mois? Plutôt que de passer à côté des vrais enjeux en faisant comme s’ils se déroulaient ailleurs. La menace vient du conjoint, du voisin, de l’homme testostéroné et souvent alcoolisé, pas du passant dans la rue. Certain.e.s peuvent laisser la peur les envahir et les regarder du coin de l’oeil en serrant leurs poings ou leur son sac à main, mais croire que c’est là que se trouve le lieu du danger serait une erreur fatale.

Etre en couple, pour une femme, est mille fois plus risqué que de sortir seule le soir dans la rue. Cela devrait nous alerter et inviter à adapter notre système en conséquence, même si nos mythes romantiques et autres odes à la vie privée en prendront un coup. Les violences de couple sont le fléau de notre société.

 

Que faire ?
Certain.e.s politicien.ne.s annoncent de nouvelles lois pour lutter contre le sexisme. Peut-être que cela peut-être utile, ou pas. Mais ce qu’il faut avant tout, et rapidement, c’est sortir de notre caverne et changer profondément les mentalités, les manière de se comporter et d’agir. C’est dans les têtes, dans les comportements, et dans les discours que le sexisme doit être dénoncé et éradiqué. C’est là que les violences se préparent, se tolèrent et se banalisent.

Que faire ? Femmes comme hommes, augmenter la vigilance collective envers nos proches, nos voisin.ne.s, et nos sensibilités aux signaux d’alerte. Pas besoin d’attendre les bleus et les coups pour détecter, alerter, et se mobiliser collectivement, tout corps professionnels confondus : médecins, travailleurs sociaux, juges, infirmiers, politiciens, policiers, etc.,

Le sexisme n’est pas un produit d’importation. Il se fabrique et se cultive en Suisse avec méticulosité depuis la nuit des temps, alimentant et préparant le chemin de la violence psychologique, verbale, physique.

La violence sexiste est largement répandue aujourd’hui, est très largement banalisée encore.

Il est temps de faire ensemble, hommes et femmes, un ménage de fond dans notre caverne.

 

[1] https://www.rts.ch/play/radio/vacarme/audio/les-echos-de-…

[2]https://www.rts.ch/info/suisse/9778144-bisbilles-politiqu…

[3]https://odae-romand.ch/projet/femmes-etrangeres-victimes-de-violences-conjugales/

 

 

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