Laïcité : Maudet dégoupille la grenade

  • 12. avril 2018
  • air du temps
  • 0 Comments

laïcité, églises, débat, politique, lois, Conseil d'Etat

Le projet de loi sur la laïcité voulu par le magistrat Maudet est parti pour rendre tout le monde mécontent. Trituré en commission durant deux ans par les députés, avec quantité d’auditions et une dépense en temps et d’argent conséquente, il a perdu au passage ce qui en faisait sa fragile qualité: une volonté louable mais maladroite de clarifier la place du fait religieux dans la Cité, alors que celle-ci est mise à mal par les extrémistes de tout bord.

 

Les Eglises se sont positionnées ce mardi pour critiquer la nouvelle mouture sortant de commission.[1] Elles rappellent qu’elles mettent à disposition des aumôneries plus de 40 postes de travail, entièrement financés par leurs soins, que plus de 5’000 visites sont effectuées chaque année par les aumônier.e.s en prison, et que plus de 10’000 visites le sont sur les 6 sites des hôpitaux de Genève. Le Temple des Pâquis accueille plus de 60’000 précaires chaque année, offrant sans véritable dimension confessante un lieu pour se poser et reposer, en bénéficiant de cours donnés par des bénévoles. C’est un lieu qui sert la cohésion sociale. Les aîné.e.s, les précaires, trouvent dans les lieux spirituels, gratuits, un refuge bienvenu. L’Etat est tout content de se délester sur les lieux spirituel d’un travail qui lui incombe. L’Hospice Général envoie sans vergogne vers eux et au mépris de la loi, pour fournir une aide administrative qu’il lui incomberait de fournir.

Les Eglises entretiennent sur leur propre budget l’ensemble des temples et églises. Ce sont des bâtiments patrimoniaux et historiques qui font la fierté de Genève, sont un atout touristique pour notre Canton. Ils risquent aujourd’hui d’être mis en péril.

Le nouveau projet de loi nie les services que rendent les Eglises, avec un accent liberticide et une tonalité anxiogène donnant pouvoir à l’Etat de restreindre la liberté religieuse en cas de besoin, sans expliciter ni décrire quels en seraient les critères.

Agiter toujours, et d’une manière anxiogène, les montées du fanatisme de l’intégrisme et du communautarisme, revient à faire des croyant.e.s des parias ou des boucs émissaires alors que l’on serait plutôt en droit d’espérer un débat serein, équilibré, et que les églises, ashrams, pagodes et autres mosquées soient valorisés et traités comme toute autre association servant le bien commun.

 

Vers une discrimination des croyances

Le nouveau projet de loi dit que « les communautés religieuses s’organisent selon les formes du droit privé ». Or, l’Etat en vérité discrimine les églises puisqu’il définit de manière très stricte l’utilisation que les églises peuvent faire des biens patrimoniaux. Le projet de loi qui va sortir des débats du parlement risque de rendre encore plus inéquitable la gestion du patrimoine. L’Etat propose aujourd’hui, contre rémunération, de percevoir la contribution ecclésiastique volontaire au nom des églises, en reconnaissance des services rendus à la population. Or, dans la dernière version du projet de loi, elle veut supprimer cette possibilité, ce qui revient de fait à laisser aux lieux de culte supporter seuls des frais importants en leur retirant une source de revenus essentielle. Est-ce équitable d’imposer d’une main des charges, et de refuser de l’autre des revenus?

 

On passe insidieusement d’une volonté rigide de légiférer sur la laïcité à une position de discrimination envers les églises et les autres communautés religieuses. 

Ce jeudi, si le traitement en urgence demandé par le Conseil d’Etat est approuvé par les député.e.s, ces dernier.e.s entameront un débat sensible ayant déjà dérapé en commission, et qui a toute les chances de virer à la foire d’empoigne. Au final, il faut craindre d’aboutir à une loi mal ficelée discriminant les églises et autres mouvements religieux, qui sera probablement attaquable en justice,  ou un enième renvoi en commission. Genferei quand tu nous tiens….

Nous ne sommes plus au XVIe siècle… refaire un procès de la religion est un faux débat. Le souci des genevois.es n’est pas de savoir si la transubstantiation a droit de cité… mais plutôt d’avoir un Conseil d’Etat actif sur les enjeux de l’emploi, du logement et de la santé.

 

L’irresponsabilité de Maudet

Le magistrat Maudet tente encore péniblement de justifier son projet de loi. Mais quoi qu’il arrive, au final, il aura échoué à convaincre. Et cerise sur le gâteau, il annonce qu’il ne sera pas à Genève cette semaine pour mener son débat. Il file benoîtement en voyage en Afrique, laissant le pauvre François Longchamp gérer la situation derrière lui, en ne faisant pas là preuve du plus haut sens des responsabilités.

 

Un projet de loi boute-feu plutôt que pare-feu 

Décidément, François Longchamp aura été l’homme à tout faire de cette législature, essuyant les bourdes de Barthassat, encaissant les approximations de ses collègues et héritant d’un débat explosif qui dérapera immanquablement selon les pulsions islamophobes ou laïcardes des députés.

Pierre Maudet, après avoir demandé l’urgence pour l’ouverture de ce débat sur la laïcité, s’en retire. Prétendant que « la future loi sur la laïcité servira de pare-feu »- Il semble plutôt évident que cette grenade dégoupillée ne forme une boule de feu explosive, ce qui est regrettable sur un sujet sensible, à une période tendue. Le rôle de l’Etat devrait être de rassembler et de rassurer, plutôt que d’offrir sans cesse des perches aux plus extrémistes.

 

[1] https://www.tdg.ch/28021747

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *