Vélo : protégez-nous plutôt que de nous effrayer!

  • 25. juillet 2017
  • air du temps
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C’est le printemps, la Suva a sorti un bon vieil épouvantail pour terroriser les cyclistes. Avec un clip choc, [1] elle vise, au nom de la prévention, à tétaniser les cyclistes. Or, ce n’est pas de prévention que les cyclistes ont besoin mais de protection.

Aujourd’hui, rouler dans le trafic, c’est risquer sa peau, et c’est cela qui est criminel. Lâcher des vélos sur des routes toujours et encore inadaptées pour eux. C’est cela qui devrait faire réagir. « Dans 50% des accidents les vélos sont fautifs » on aimerait bien savoir ce que la SUVA entend par là alors que 99% du trafic est motorisé et qu’en cas de choc 100% du risques est pour le cycliste. Et ça veut dire quoi « être fautif » quand vous roulez dans un environnement pensé par et pour les véhicules à moteur. Il n’y a pas d’égalité de responsabilité quand les conditions de trafic et d’exposition sont inégales. Et il faudrait aller rouler de bon coeur, exposé aux bagnoles, sans prendre de trottoirs, ni se glisser entre deux voitures avant de se faire coincer ?

Dire que 50% des accidents sont crées par les cyclistes c’est dire à peu près la même chose que les enfoirés qui répètent : « 100% des femmes qui se font harceler l’ont bien provoqué, arrêtez de mettre des jupes ». Un raisonnement par l’absurde et la violence qui ne tient pas compte de qui est structurellement l’agresseur et qui est l’agressé. Dans le cas du vélo, de regarder pour qui les règles de la circulation sont posées, et qui en subit l’inégalité.

Quand vous roulez à vélo en ville vous êtes une cible

Et une cible facile. Pas assez de bandes cyclables, des bouts de routes peinturés de jaune qui s’arrêtent abruptement, sans protection, pas de site propre. Vous êtes tassés contre les trottoirs, et faites office de piquet de slalom pour les scooters. En cherchant à y survivre vous seriez fautif ? Non. Jamais nous n’attendrons au rouge sur la ligne de départ pour nous faire rouler dessus par des voitures qui démarrent. C’est un fait. Et la SUVA pourra encore longtemps nous montrer des cyclistes morts ou tétraplégiques, elle ne changera rien au taux d’accidentologie tant qu’elle n’aura pas compris cela.

Le très sérieux Washington post, lui, l’a saisi. Dans un article intitulé « ne rendez pas les cyclistes plus visibles, faites en sorte que les voitures arrêtent de les écraser », et en pointant du doigt l’industrie automobile qui, avec des voitures toujours plus larges, plus grosses, agissent en véritables prédateurs, cet article  replace les responsabilités au bon endroit. [2]

 

Nous continuerons de chercher à survivre dans le trafic par tous les moyens possibles

Pour conclure, la SUVA peut aller se rhabiller avec ses clips qui conduisent au final à faire peur à ceux qui sont menacés et à décourager les autres de faire du vélo. Nous continuerons à risquer notre peau et à plomber le coût de la santé tant que les conditions structurelles de rouler à vélo en ville ne seront pas changées.

L’augmentation des usager à vélo va continuer, la part des ménages qui ont une voiture de diminuer. Alors, nous refusons les mesurettes de la prévention: d’être plus visible, plus scintillant, plus dociles, alors que c’est d’un changement radical de vivre la ville et de réduire la part dévolue aux bagnoles qui doit être mis en place.

On attend donc le clip de la SUVA prévenant les conducteurs de porter attention aux usagers vulnérables de la route, alors que le nombre de piétons fauchés sur les passages piétons est en constante augmentation. On attend le clip de la SUVA sur l’usage du téléphone au volant, pour sensibiliser les conducteurs aux parcages sauvages, aux vitesses excessives, aux ouvertures assassines de portière, etc, etc, et les motards sur l’effroi qu’ils causent en nous frôlant jusqu’à ce que certains d’entre nous ne veulent plus rouler sur la route ni s’arrêter au rouge.

Nous attendons surtout définitivement, de la part des décideurs politiques, et comme la gauche le rappelle sans cesse, notamment au conseil municipal de la Ville de Genève, de mener une vraie politique pour la mobilité douce, avec une vraie mise en oeuvre au niveau cantonal de plans favorisant l’usage du vélo.

Tant que cela ne se réalisera pas, nous ne considérerons jamais un cycliste fauché comme responsable, mais comme un martyre de plus de la jungle urbaine, et tiendrons pour responsables l’inaction des décideurs politiques et les lobbys pro-bagnoles qui, en maintenant la primauté d’un moyen de transport dépassé datant du siècle passé, tuent.

 

Nous continuerons de chercher à survivre dans le trafic par tous les moyens possibles et, en attendant des jours meilleurs, à rire tristement des clips de la SUVA jusque sur nos lits d’hôpital si nous sommes frappés.

 

[1] http://www.tdg.ch/suisse/accidents-velo-video-choc-eviter/story/28720445

[2] https://www.washingtonpost.com/posteverything/wp/2015/04/15/dont-make-bicyclists-more-visible-make-cars-stop-running-them-over/?utm_term=.dbd110f6670a

 

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