Répondre présent

  • 29. mars 2017
  • Genève
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Certains pensaient que le temps des idéologies était fini, que l’on pouvait se passer du politique, que la vérité ne comptait plus, qu’une histoire en valait une autre, que le relativisme allait tout emporter. A quoi bon nourrir du sens, puisque le marketing peut tout redorer? Pourquoi assurer la qualité, puisque la qualité coûte cher, passe même pour un luxe?

La société entière s’est vue soumise au rabot néo-libéral : économiser sur le sens, couper sur les marges, faire mieux avec moins, faire au mieux avec rien, traiter les gens comme des consommateurs, et les robots mieux que des gens. Taxer les robots? Oui, pourquoi pas, mais si on s’occupait avant tout de prendre soin des humains? Nulle fatalité ne préside aux rapports de domination.

Le retour de la quête de vérité

Le story-telling, la mise en scène de soi, les selfies à gogo, seraient une ressource pour créer du sens? C’est un échec. On voit monter un nihilisme écoeuré ou un repli dans les tanières et l’on croit de moins en moins aux histoires qu’on nous raconte. Des citoyens accrochés à des réseaux sociaux comme des hamster à leur roue, attendant miraculeusement que rentre un père ou une mère nourricière, ça ne formera pas société.

Certains pensent pouvoir vendre des projets de société comme des boîtes de sardines? Ce sera un échec. Il y a quelque chose dans l’humain qui résiste et désire autre chose que d’être traité de la sorte.

La violence quotidienne

C’est à l’école, à l’hôpital, dans l’économie, les transports, que le dogme libéral s’applique, tout le temps, avec la violence d’une loi implacable. Et cela fait des décennies que nos cerveaux, nos corps, nos imaginaires sont soumis à ce régime. Et cela, jusqu’au jour où ça craquera. Alors, le train aura une heure de retard et plus personne pour informer. Il n’y aura plus de journaux à lire, à peine des magazines publicitaire à feuilleter. Votre enfant attendra 3 heures aux urgences, sans personne pour en prendre soin ; et vous hésiterez à y aller, de peur que le patron ne vous vire, à moins que la perte de votre téléphone ne vous donne des envies de suicide…

La lutte des egos est une impasse. L’individualisme poussé à l’extrême, son sentiment de toute-puissance attaché, est une sinistre vulnérabilité… avec des paillettes et des filtres à couleur, certes, mais bon, pour quelle finalité?

Dans un système où l’angoisse du perdant-perdant domine, où chacun craint que l’autre ne soit un loup pour soi, avec la hantise de devenir dévoreur ou dévoré, la seule garantie de ne pas contribuer à faire advenir un siècle cannibale est le renforcement d’un cadre suffisamment bon.

Pas celui vanté par les pseudos sauveurs : les Trump, Le Pen, Blocher, dopés à la nécessité des sempiternelles boucs émissaires. La présent nous échappe, quand ceux-ci font miroiter un passé perdu, le retour d’un Eldorado disparu (make america great again), se nourrissant des crises qu’ils contribuent à créer, désignant toujours d’autre comme responsable. Or, s’il suffisait de balancer des mousses et des marins par-dessus bord pour prétendre savoir piloter un navire, ça se saurait.

Ce qui se dessine à bas bruit

Le cadre collectif avec les mêmes règles pour toutes et tous, avec des limites claires et de lois justes doit être renforcé; avec des personnes responsables et garantes du collectif, mais qui n’en sont pas au-dessus. Il y a aujourd’hui des mouvements de plus en plus profonds qui cherchent à construire un autre rapport au sens et à la vérité. Au temps des crises, du basculement et de l’instable, la peur et le désespoir nous guettent, nous testent. C’est là aussi où l’espérance devient plus forte et nous trouve, pour répondre présent.

Il nous revient de nous positionner. De ne pas céder sur la quête de sens, de vérité. Ne pas être dans la résignation, mais dans l’émulation, l’irréductible relance. Ne pas croire que c’est d’un tel ou d’une telle que viendra la différence. Il n’y a pas de sauveur unique, mais des caps harnachant des pilotes à leurs équipages et des équipages à leurs bateaux.

Une sortie des egos

Continuer de travailler, de parler, d’écrire, de créer des liens les uns avec les autres, quartier par quartier, familles par familles. C’est préférable à rentrer dans sa coquille. C’est contrer la logique des tanières ou de marquer son monde avec des selfies.

Enfin, c’est surtout une découverte enthousiaste : seul nous ne pouvons rien, unis nous sommes tout. Si la guerre des egos est une impasse collective, l’entraide nous laisse percevoir d’autres possibles. Ces possibles sont innombrables. Ils nous réclament, sans faire grand bruit, mais tous les jours.

A nous de répondre présent.

Illustration photo Eric Roset  www.eric-roset.ch

 

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