La peur est mauvaise conseillère. Elle provoque des réactions excessives et coûteuses. Voilà des blocs de béton sur la route. Eh quoi ? Si un hélico vient à foncer du ciel sur des gens en Allemagne, on vivra sous filet ou sous verre, histoire de protéger nos vies ? Jusqu’où faudra-t-il aller dans la réaction, avec des mesures de police et de contrôle toujours plus démonstratives?
Les terrorisants sont en train de gagner la bataille des esprits, et d’obliger, avec des moyens rudimentaires, certains de nos dirigeants à faire de la surenchère médiatique, au détriment de nos libertés, et à mettre en péril ce qui fonde nos démocraties: le droit et la justice, au profit d’opérations de communication ou de soin de l’audimat.
Vous voulez prévenir des attentats? Faites advenir la justice sociale
Chaque précieuse vie mérite complète sécurité et attention.
Quelle justice alors pour les 4’000 migrants ayant perdu la leur lorsque les rafiots dans lesquels ils ont pris place ont coulé dans la Méditerranée? Cela sans que grand monde, réellement s’en soucie, ou alors philosophiquement, charitablement, virtuellement, voire, à l’inverse, en regardant d’autant plus de travers ceux qui y ont survécu, durcissant l’asile, avec des foyers toujours également sous-dotés et des politiques discriminatoires plus sévères.
Comment ne pas citer l’exemple de ce camp au sud du Tessin, où se trouvent actuellement des personnes s’étant vues dénier le droit de déposer l’asile en Suisse, étant refoulées en toute illégalité avec confiscation de leurs papiers à la clé, alors que leur famille se trouvait dans la Confédération ou qu’ils souhaitaient traverser notre pays pour en rejoindre un autre.[1] Ne pensez-vous pas que l’on fabrique là des bombes sociales ? Qui en sont les artificiers ?
Il serait bon d’avoir une vision plus large de « la sécurité » que celle consistant à placer en dernier recours des blocs de béton sur la route en laissant entendre que toujours plus de contrôle sera une solution. Cela nous mène à une surenchère qui mène à l’impasse.
Nous voilà placés dans une sale alternative
D’un côté ceux qui font commerce de terroriser, et de l’autre… ceux qui font presse de sécuriser, et pour qui le risque zéro tend vers la paranoïa maximale, empilant des mesures démonstratives afin de montrer que… des mesures sont prises. Sauf que ces mesures, visant avant tout à faire toujours plus de la même chose, nourrissent avant tout la peur.
Crever de trouille mais ne pas perdre la face, est-ce vraiment ce que l’on peut attendre de mieux de la part de nos dirigeants?
Quelles sont leurs perspectives à disons, ne serait-ce que deux ans, plutôt que ressasser l’immédiateté et être toujours dans la réaction (avec sempiternellement un temps de retard) ?
Pourquoi emprunter le même chemin que la France ?
S’inspirer de la logique sécuritaire française est la meilleure manière d’importer pareillement le mal qu’elle combat d’une main et nourrit de l’autre.
Vous croyez aux attaques irrationnelles, contre tous et sans but, comme dans les dents de la mer ? Serions-nous de ceux qui renonceront à toute baignade en mer, sous prétexte qu’un monstre y est tapi?
Triste réalité, c’est un mélanome du fait d’une exposition prolongée au soleil qui vous emportera… ou l’hélice d’un hors-bord.
La peur est mauvaise conseillère.
Donner toujours plus de champ à la peur ?
Même les voitures de police qui tournent dans les quartiers 24h/24, en redemander encore ? Doubler, tripler les surfaces de Champ-Dollon, priver de promenade ceux qui y vivent, et de libération conditionnelle ceux qui le peuvent : serrer la vis encore d’un bon cran? Pour sûr, quand les encagés passeront les grilles, ce sera beau voir… à défaut de lutter contre un mal, cela le renforcera surtout.
Méthode Maudet: de la comm’ avant toute chose, des fusibles à faire sauter au cas où, et après lui le déluge…
Et surtout : moins de moyens pour les primo-arrivant, pour la médecine et la psychiatrie, plus de cadences infernales, et forçons sur les rivalités et les angoisses en accentuant les inégalités sociales et faisant toujours porter aux plus précaires le poids de la menace.
Discriminer l’engagement de personnel ayant un casier judiciaire à l’aéroport est immonde ; s’en moquer parallèlement aux TPG illustre à quel point le Conseil d’Etat est désuni en terme de politique sécuritaire ; et, en parlant des TPG, cogner sur des frontaliers sans préciser que si leur taux d’absentéisme et important c’est bien parce que la pénibilité de leur travail l’est d’autant, est de la désinformation pure et simple[2].
La logique de la peur conduit à l’irrationnel. L’irrationnel à la violence et à l’injustice.
Le rôle anxiogène de la presse
Il n’y a pas un terroriste derrière la barbe de chaque jeune ou chaque hipster en quête de révolte ou d’identité. La journaliste Lugon[3] cherchant frénétiquement le scoop en stigmatisant des quartiers entiers parce qu’un jeune est parti Dieu sait où ressemble en tous points à cette femme qui a fait une fausse alerte à la bombe à l’aéroport pour retenir son mari[4] … sauf qu’elle l’a fait pour son rédacteur en chef et son audimat… et n’a pas été condamnée à faire de la taule.
Ce qui nous menace le plus sûrement, c’est la terreur dans les têtes, et le fait que ceux qui font métier ou sont désignés pour lutter contre l’alimentent.
Ou encore, ce genre « d’infos »[5]: « 90% des requérants recourent à l’aide sociale », ou la presse balance encore des données brutes, sans les expliquer, sans illustrer en quoi cela s’explique par le niveaux de précarité des nouveaux arrivants, ni combien de temps ils le sont avant justement de pouvoir prendre une autre place dans la société. On prend des données brutes et on les jette, alimentant par là la violence et la confusion, sur des lignes de rupture.
A force de crier au loup, ça finira par mordre
Vous en voulez encore des pyromanes? Et voilà un article supplémentaire de Sophie Rosselli journaliste de la TDG, qui en devient carrément indécente dans sa promotion continuelle du couple flic-terroriste, et dans son inlassable capacité à broder l’ouvrage hystérique sur le chablon des informations prises en ligne directe chez Maudet, parce que : c’est ça désormais que les gens veulent entendre… (ah oui, on a vu lors du drame de Nice ce que la presse sort de plus beau quand elle est soumise à l’émotion galopante et court à l’effroi séance tenante, ou alors, quand elle pompe ses information au pouvoir policier).
L’hystérisme social est avancé. Mangez et tremblez-en tous. Je ne serai pour ma part pas étonné quand certains décideront, soudainement, d’y planter les crocs. Cette hystérie contribue à renforcer la menace qu’elle prétend dénoncer. Vous voulez prévenir la violence? Faisons plutôt advenir la justice sociale. Et vite.
Si l’on demeure pragmatique et réaliste, avant, bien avant que le menace islamiste ne s’approche et ne saisisse votre vie, pour sûr, le risque de mourir, à choix :
de connerie
de diabète
d’obésité
d’une classique compression de l’aorte
de particules fines avalées tous les jours à haute dose
d’accident de voiture
d’anévrisme
d’enfumage journalistique aggravée
de l’explosion de Mühleberg
d’un crime passionnel
d’une glissade dans l’escalier
aura eu raison de vous.
Faut-il donc mettre un policier derrière chacun pour sécuriser ?
La peur est mauvaise conseillère.
[1] https://www.letemps.ch/suisse/2016/08/05/un-camp-migrants…
[2]https://www.letemps.ch/suisse/2016/07/21/aux-tpg-frontali…
[3] https://www.letemps.ch/suisse/2015/10/02/piste-islam-radi…
[4]http://www.tdg.ch/geneve/grand-geneve/Prison-ferme-pour-u…
[5]http://www.tdg.ch/suisse/90-requerants-recourent-aide-soc…