Pourquoi je marche ?

  • 12. mars 2016
  • air du temps
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Pourquoi je marche ?

Marcher est tout d’abord une expérience de la liberté. Celle de pouvoir aller ici et là, sans retenue ni limites. Elle est liée au balancement des bras, au poids du corps et à la légèreté de l’esprit. La marche permet de choisir son rythme, décélérer ou s’arrêter. Personne ne tire, personne ne pousse derrière. Quand on marche, on a le temps avec soi. Dans une vie rapide, où en général ce sont le vélo ou le train qui m’entraînent, marcher est avant tout une expérience du ralentissement, de l’ouverture à la rencontre possible. La marche est la promesse d’une rencontre… avec soi d’abord.

 

Relier les oasis de la Ville
La grandeur de la marche, je la trouve dans le livre de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, où il relate son accident dans le Sahara libyen en 1935 où il manqua de peu de mourir de soif. Il y a ce moment extraordinaire où il se met à marcher, sans savoir où il va, pour sauver sa peau. Ce qui lui permet de tenir, la certitude que quelqu’un viendra, qu’il n’est pas possible qu’il n’y ait personne. Dans les jungles urbaines, les villes surchauffées, c’est le même désert. Et la même question : quelqu’un viendra-t-il ? Serait-il possible que personne ne vienne ; que plus personne ne relève la tête de son téléphone portable, qu’aucun visage n’émerge de la multitude ; que ces rues restent désertes la nuit ? Un seul moyen de le savoir : descendre dans la rue, marcher encore, se mettre en chemin, et interroger l’autre, par la parole ou le regard. Questionner celui qui vient, celui qui cherche aussi. Oui, la ville d’aujourd’hui est peut-être le plus peuplé des déserts. Mais elle est aussi riche d’oasis. Comment relier ces différents lieux, et les nomades qui y transitent ?

 

Bienheureux ceux qui marchent

Quand je marche, je me déplace facilement. Le plaisir simple d’aller est déjà un luxe, une source de joie. Qui a fait l’expérience d’avoir des béquilles, d’avancer difficilement en supportant son poids ne me contredira pas. Bienheureux ceux qui marchent, rien ne peut les arrêter.
La marche est un usage révolutionnaire de la Ville. Elle n’a pas d’arrêt prédéfinis, ni de fonction autre qu’en elle-même. Aucun coût. Elle ne connaît pas les bouchons, ni les contraintes. La marche est un usage fluide, où le regard peut se poser où il veut, explorer son environnement, à 360 degrés. Telle couleur de toit, telles moulures sous une vieille charpente, ce petit restaurant… je ne les avais jamais remarqué auparavant. Je les découvre en marchant. Et puis la lumière change. Un léger vent se lève et tout est perçu autrement. D’où vient alors ce plaisir simple et gratuit de contempler, immobile, ce qui bouge alentour ?
La marche est une expérience de la vulnérabilité. La pluie vient, le froid me saisit. La fatigue monte. Le corps est présent. Il rappelle son existence, ses besoins. Et puis, il y a cet homme qui vient vers moi et me demande quelque chose : cinq francs ou une cigarette je crois, mais peut-être que ce n’est pas une pièce qu’il désire en fait, mais surtout de faire un petit bout de route ensemble…

Pourquoi je marche ?  Pour pouvoir m’arrêter. Pouvoir rejoindre et être rejoint.

Et à cette femme qui me demande : comment ça va ?

Je lui réponds, heureux, simplement : ça marche… donc ça va.

 

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