La démocratie à l’épreuve des gestionnaires

  • 20. août 2015
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C’est dans l’air du temps, les gestionnaires et les légalistes sont au pouvoir. Ils se cachent derrière la loi, la règle, pour maintenir le statu-quo et les inégalités sociales.

On en a eu récemment un exemple frappant. Monsieur Maudet dézingue un mouvement populaire et militant, No Bunkers, ayant rassemblé des milliers de personnes dans des manifestations. Il invalide tout un mouvement du fait que certains déboutés de l’asile auraient commis des délits; comme s’il y avait de bons ou de mauvais migrants, comme si ses catégories et ses étiquettes disaient l’entier de la personne et permettaient de traiter ceux-là en sous-hommes.

D’une façon similiaire, Monsieur Poggia qui répétait il y a peu aux citoyens aux sujets de ces déboutés de l’asile : Prenez-les chez vous ! Mais prenez-les chez vous ! Et quand certains répondent: chiche nous le ferons, il invoque ensuite la loi pour leur interdire de le faire, avec une seule visée en tête : réduire au silence un mouvement, le mettre à tout prix en échec. Il montre là que sa considération humaine est nulle. C’est la gestion des masses et de l’image qui le préoccupe.

La loi : ce cache-sexe du pouvoir

Ce n’est pas le respect de la loi, faussement invoqué, qui est en cause ici, mais plutôt la préservation du pouvoir et de ses intérêts, sa manière de se raconter des histoires et se mettre en scène.

Ce n’est pas la « fin de la récréation » que siffle à la fin de l’été Monsieur Maudet, c’est sa propre mise hors-jeu par son incapacité à penser plus large et autrement qu’en fonction de son esprit formaté stratégie et gestion. 

Or, le danger de notre époque vient clairement de ceux qui font appliquer des lois en bafouant leurs fondements, qui ne voient pas plus loin que leur opinion publique, la caressent dans le sens du poil et évitent soigneusement tout risque et décision susceptible de fâcher.

La majorité des politiques sont devenus des suiveurs. Et les « décideurs » des petits caïds du marketing accros à l’opinion publique. Du contrôle de celle-ci dépend leur survie. Ils ne voient pas plus loin.

Et c’est cela que nous appellerions démocratie et devant lequel il faudrait s’incliner comme devant une figure sainte? Devant ce règne des idées molles, sans portées, sans visions, ne visant au final qu’à maintenir l’existant et au pouvoir ceux qui ont eu l’habileté, ou la chance, de s’y faire porter?

Les gestionnaires et les légalistes font subir à la démocratie le pire essorage qu’il soit. Après rinçage, ils la rendent d’une fadeur et d’un hygiénisme puant.

 

Juste bons à voter et se taire ?

La démocratie est plus qu’un légalisme. Elle est plus que la médiacratie et l’étroite justification légale arrangeant le pouvoir en place.

La démocratie est même plus que le respect dû à des majorités élues tous les 4 ou 5 ans à 35% de votant. La démocratie n’est pas une tyrannie de la majorité, mais un équilibre des différentes composantes de la société, chaque citoyen.ne ayant droit de cité et de parole, en tous temps.

Ceux qui, tel le journaliste Philippe Barraud [1], s’insurgent dans un article du Temps, que des collectifs s’engagent, se mobilisent, pour rappeler aux élu.e.s l’existence de Constitutions, devraient arrêter de vendre au rabais, dans un journal qui devient d’une fadeur affligeante, une démocratie bradée où les élu.e.s uniquement auraient un droit de parole et d’exercice politique alors que les autres pourraient aller se brosser étant « juste bons à voter » et se taire.

Ceux qui dansent sur le ventre des autres ne sont pas ceux qui s’engagent et manifestent, mais plutôt ces élu.e.s légalistes et gestionnaires, vivant leur mandat comme une rente de situation, faisant semblant d’être dans une stricte observance de la loi, tout en fermant les yeux sur ses abus ou manquements.

Le risque ne vient pas de ceux qui gueulent mais de ceux qui dorment, continuent à se faire bercer en toute bonne conscience.

 

Qui pour faire respecter la Constitution ?

Si l’on relit, par exemple, l’article 15 de la Constitution genevoise :

Art. 15 Egalité
1 Toutes les personnes sont égales en droit.
2 Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa situation sociale, de son orientation sexuelle, de ses convictions ou d’une déficience.
3 La femme et l’homme sont égaux en droit. La loi pourvoit à l’égalité de droit et de fait en particulier dans les domaines de la famille, de la formation et du travail.
4 La femme et l’homme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale.

 

Qu’un seul politicien « bon gestionnaire » ou garant de la loi et de sa stricte « observance » ose affirmer que ce principe n’est pas bafoué à répétition et à longueur de journée sur notre territoire en toute impunité !

Et quand le président du PLR Alexandre de Senarclens érige la discrimination en règle et l’affirme : oui, mettre ces hommes en sous-sol, c’est une discrimination au détriment d’hommes célibataires, déboutés, il bafoue purement et simplement notre Constitution.[2]

Art. 39 Droit à un niveau de vie suffisant
1 Toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle.
2 Toute personne a droit aux soins et à l’assistance personnelle nécessaires en raison de son état de santé, de son âge ou d’une déficience.

 

Toute personne, rappelle la Constitution. Pas uniquement les électeurs libéraux-radicaux n’est-ce pas?

Monsieur Maudet, plutôt que de pourchasser de ses foudres une poignée de déboutés, de se positionner en moraliste devrait commencer par faire respecter la Constitution comme il s’y est engagé.

Toute la Constitution, rien que la Constitution, pas seulement les quelques lois qui font son beurre politique après un soigneux écrémage.

La démocratie est plus que le respect d’un état de fait

Quand des mouvements citoyens se font entendre, que des citoyen.ne.s s’engagent parce que des élu.e.s n’osent pas assez, ne risquent pas assez, font de la gestion ou de l’observance légaliste racoleuse, il est anti-démocratique de les critiquer et les décrédibiliser.

La délégation du pouvoir ça ne veut pas dire signer un blanc-seing pour 4 ou 5 ans, au contraire. La démocratie c’est le frottement des idées: des débats, des refus, des tensions.

Bravo aux collectifs et association, aux citoyen.ne.s qui le rappellent et le font entendre courageusement haut et fort.

Ils sont le tonus de la démocratie.

 

La démocratie est plus que le respect du pouvoir en place

Elle est la garantie de respect des principes supérieurs et constitutionnels, qui touchent aux droits et au respect de la personne, à sa liberté individuelle et à sa sécurité.

Lorsque ces principes supérieurs sont attaqués, quand certains élu.e.s les perdent de vue au profit du racolage médiatique, alors oui il est légitime de monter aux barricades, de secouer le corps gras et mou que devient notre démocratie, en employant tous les moyens possibles, tous les réseaux nécessaires, qu’ils soient électifs, militants, grévistes, pour ne pas être dans une démocratie de ventriloques où le pouvoir a été confisqué par des gestionnaires à la petite semaine.

 

L’observance de la loi, de toute la loi, par le pouvoir politique, est sous la surveillance des citoyen.ne.s, tous les citoyen.ne.s. Ils sont légitimes à l’exercer en tous temps.

 

Nous ne sommes ni enrôlés dans une armée, à la messe ou un talk-show.

Parce que nous sommes des êtres libres, il revient à chacun.e. en démocratie, de faire entendre sa voix, lutter pour ses opinions, quelles qu’elles soient.

Délégation du pouvoir de veut pas dire démission.

 

Voter c’est très bien, agir c’est parfait.

 

 

 

[1]http://www.letemps.ch/Page/Uuid/d62f3918-45a4-11e5-85d0-41b5fd577541/Ces_collectifs_qui_dansent_sur_le_ventre_des_autorit%C3%A9s

 

[2]http://www.asile.ch/vivre-ensemble/2015/06/24/le-courrier-vivre-dans-un-bunker-au-peril-de-sa-sante/

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