Retour dans l’oeil du cyclone

  • 17. septembre 2013
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james baldwinRetour dans l’oeil du cyclone est une compilation de 14 articles publiés par James Baldwin (1924-1987) dans différentes revues (Mademoiselle, Esquire, Ebony…) entre 1960 et 1985. Traduits et publiés au début de l’année chez Christian Bourgeois, ces textes nous replongent dans l’Amérique des années d’après-guerre, de Martin Luther King à Mohamed Ali, en passant par les marches des droits civiques, la guerre du Vietnam.

Baldwin met à nu une Amérique brutale, aux enjeux raciaux et sexuels épidermiques, incapable de se ressaisir (Point de non-retour) ou de se voir dans un miroir. Il y raconte son désarroi (Quelques mots d’un enfant du pays), sa contestation (Le rêve américain et le Noir américain), et la lutte nécessaire pour changer cet état des choses (Reportage en territoire occupé).

Qu’est-ce qui a changé ?

Le caractère extrêmement actuel de ces articles, à mettre en relation avec les tensions raciales aux Etats-Unis, est troublant. Ces textes ont gardé un tranchant et une actualité terrible, au point que l’on peut se demander, hormis un « premier président noir des USA », ce qui a vraiment changé au pays de « l’oncle Sam ».

Le pouvoir dominant, économique, racial, est bien établi; de Watts à Baltimore, de Los Angeles à Ferguson, les émeutes n’ont jamais cessé. Les non-blancs se font toujours tirer comme des lapins, quand ils ne terminent pas en taule.

Ces textes vont toutefois au-delà de leur contexte historique et politique. Ce que Baldwin écrit sur les rapports de domination, de genre, la discriminations et les solitudes, est universel.

Qu’est-ce qui domine le dominant?

Baldwin, dans la lignée d’un Frantz Fanon, développe une réflexion fine sur la domination et l’histoire du colonialisme, les abus du pouvoir et sa violence. Il démonte les rouages psychiques de la participation de l’esclave à son asservissement, mais aussi du maître à sa propre domination.  

Pourtant, aujourd’hui encore, je crois (probablement parce que je suis noir) qu’il est très dangereux de modeler son opposition à la définition arbitraire, à l’épreuve infligée, sur le seul exemple fourni par son oppresseur.

Baldwin renvoie le blanc à son dénuement et à sa vacuité. A Montgomery, quand ceux qui avaient une place assignée dans les bus se sont déplacés, les blancs se sont retrouvés perdus, désemparés; incapables de remodeler leur vision du monde.

 

L’objet de la haine n’est jamais, hélas, situé commodément quelque part à l’extérieur, mais se trouve assis sur vos genoux, bouillonnant dans vos tripes et dictant au coeur ses battements. Ignorer ce fait, c’est courir le risque de devenir une imitation – et donc une continuation – des principes qu’on s’imagine mépriser.

 

Baldwin réfléchit sur l’assignation des places et l’enfermement, sur les moyens d’en sortir en nommant et se déplaçant, pacifiquement.

Une nation à l’intérieur de la nation

Baldwin est animé par une volonté d’émancipation, de liberté et d’égalité. On y retrouve l’inspiration d’un Martin Luther King qu’il rencontre à de nombreuses reprises autour des années 60 (La dangereuse route qui s’ouvre à Martin Luther King).

Ferment de la fierté noire, du Black Power, au Black is Beautiful, les écrits de Baldwin portent une contestation dans la langue même : instrument politique, de pouvoir.

Le rêve américain, l’identité

Baldwin grandit à Harlem. Il est jeune, pauvre, noir, et homosexuel. Bref, son identité contient tout ce qu’il faut pour se faire descendre rapidement… et il le sait. Il quitte le ghetto pour Greenwich village; puis Paris, où il devient écrivain. Il ne cessera jamais de voyager entre les USA et l’Europe.

Récits sur la résilience, la sensibilité, et l’engagement, Retour dans l’oeil du cyclone est un livre à fleur de peau sur la nature humaine, le monstre américain, et de ce qui le constitue, mais aussi une source d’inspiration et presque d’éveil spirituel.

 

Dans l’oeil du cyclone, là où tout est calme.

Dans l’oeil du cyclone: où la tornade s’organise.  

James Baldwin, Retour dans l’oeil du cyclone, Editions Christian Bourgois, 2015

http://www.liberation.fr/monde/2014/08/18/de-watts-a-ferguson-cinquante-ans-d-emeutes-raciales-aux-etats-unis_1082803

 

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