Dans la mangeoire…

  • 04. février 2021
  • air du temps
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Noël se comprend en une phrase.
« Et elle mit au monde son fils premier-né. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle des hôtes. (Luc 2.7)  »

Dans un mangeoire: dans le bol des bêtes, dans le contenant de paille et d’herbes, dans l’auge. Dans un creuset où mangent les bêtes.

Pas sur un autel, pas bien en vue, non. Dans l’ombre, dans le retrait, dans le creux, le silence.

On ne sait rien du premier cri de cet enfant, son premier souffle. On ne sait pas si l’âne a brait, si le boeuf beuglait. Cela fut un naissance comme il y en a eu des milliards depuis la nuit des temps. Dans l’anonymat le plus complet. Dans la pauvreté la plus sèche. Dans l’oubli des hommes et la paranoïa des administrations. Dans une faille du temps, dans un petit creux de l’histoire. Sans anicroche.

Sa mère l’enveloppa de langes et le coucha. Avec soin, attention, protection. Avec amour pour le tout petit, le plus fragile. Avec le coeur. Avec humanité.

Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle des hôtes. Pas de place à la télé, pas de voix à la radio, pas de ban public, pas d’annonces dans les journaux. Rien sur internet, rien dans Voici, pas une page dans Gala. Aucune rubrique people pour en rendre compte. Aucun post sponsorisé pour les oubliés.

Pas de lieu sûr parmi les hommes, pas de plan préétabli, ni de prédestination sociale. Pas d’héritage confortable. Pas de compte en banque ou d’assurance vie.

Pas de cartons de naissance colorés. Personne pour attendre la famille. Pas d’interdiction Covid, pas de gel hydroalcoolique à l’entrée. Pas de blouse blanche, pas de médecin. Du bois, du sel, de l’eau, et basta.

Une vague histoire d’étoiles, de trajectoires célestes. Un vague délire divin pour compenser la précarité. Une espérance folle de justice sociale.

Des bergers viennent voir le petit. On ne leur interdit pas l’entrée de l’étable. On ne les refoule pas. On ne les suspecte pas. On ne leur demande pas leur carte d’assurance. Il n’y pas de « on » d’ailleurs, mais des individus, que l’on appelle par leur nom.

 

Pas de bavardage. Pas de grands discours. Pas de débats ni d’analyse.

Parole aux bêtes. Paroles à la paille. Parole au toit fragile. Au ciel.

Il faut regarder ce petit bébé non comme un miracle mièvre, mais une dénonciation radicale d’un système social corrompu. Une arme morale contre un sytème inégal. Système dont ce nouveau-né, devenu adulte, fouettera les représentant-e-s officiels, renversant les tables des changeurs d’argent (Jn2).

De la mangeoire à la croix, il y a un même silence, un même anonymat, une même obscurité autour d’un petit point lumineux. Il y a la même indifférence de la multitude occupé à bien d’autre chose, s’activant autour de nombre activités, avec tant de soucis en tête.

Mais toujours, autour de la mangeoire et autour de la Croix, une petite poignée d’individus sont là.

Jamais plus de cinq…

 

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