Avant l’intervention de la Ville de Genève, les panneaux qui représentaient des femmes étaient ceux relatifs aux poussettes dans les TPG ou aux mamans pour les rues piétonnes. La présence des femmes dans l’espace public était donc réduit à un rôle maternel. Bizarre que celles et ceux qui souhaitent avoir des panneaux ‘neutres’ et ‘universels’ ne s’en soient jamais plaints. Bizarre que celles et ceux qui hurlent quand on modifie des panneaux en argumentant sur le fait que le petit bonhomme à chapeau des années 50 serait universel, ne dénoncent pas le fait que le bouton pressoir des TPG ne l’est aucunement et ne le réclament pas. On pourrait en dire beaucoup sur la représentation de cette maman, au ventre plat, à la cambrure marquée. Encore une représentation du sexisme ordinaire.
Un mot aussi concernant les panneaux indiquant une zone piétonne. A nouveau la figure maternelle l’emporte. C’est une maman avec un enfant. Là encore, personne pour hurler que cela n’est pas universel. Cela semble à nouveau convenir que la garde des enfants, que la dimension protectrice, parentale, soit assumée par une femme et par une femme uniquement, très clairement identifiée à sa robe.
Le sexisme ordinaire est bien présent. Il travaille les imaginaires. Il oriente les conduites. Alors si celles et ceux qui demandent du « neutre » et de « l’universel » étaient un brin cohérent, ils exigeraient que ces panneaux aussi deviennent « neutres » et « universel » et que l’on efface les traces sexistes, identifiant les femmes uniquement à la maternité dans l’espace public.
Certains ont parlé du coût de changement des panneaux : 56’000.- a-t-on entendu (sur un budget de plus d’un milliard à la Ville de Genève). Cela fait fi du budget annuel dévolu au changement de ces panneaux. Il n’y a pas de coût supplémentaire. Simplement on a changé en une fois ce que l’on aurait pu faire d’une manière étalée dans le temps.
A ceux-là encore il faudrait rétorquer : rappelez-nous combien coûte la sécurité policière d’un match de football ?
La réponse est simple : pour vingt-deux gars qui se disputent un soir un ballon durant deux fois quarante-cinq minutes, on pourrait changer chaque samedi TOUS LES PANNEAUX piéton-ne-s de la Ville. Et il en resterait quelque chose d’autrement plus durable que des canettes par terre ou des journaux à balayer avant le match suivant.
Etrange, celles et ceux qui hurlent contre les panneaux n’en font pas une polémique. Etrange.
Celles et ceux qui s’insurgent du « coût du changement des panneaux » de l’égalité devraient être tous les samedis devant le stade à manifester… ou alors, il est à craindre que leur « universalisme » et leur « neutralité revendiquée »; leur prétendu socle commun que ces panneaux seraient venus ébranler, ne soient en fin de compte qu’une défense d’habitudes marqué du sceau du sexisme ordinaire.
Une conseillère municipale PLR craint l’ouverture d’une boîte de pandore pour justifier le fait qu’il ne faut rien changer. C’est une surprenante manière de considérer le débat public d’asséner « circulez y’a rien à voir ». La démocratie se dissout dans le formol. Elle ne supporte pas les bocaux fermés.
Les jours du sexisme ordinaires sont comptés…
Heureusement, et le débat autour des panneaux de l’égalité l’a démontré, on commence à deviner que les jours du sexisme ordinaire sont comptés.
Mais, et c’est à mon avis l’un des enseignements qu’il faut retirer de cette polémique surprenante, les mentalités seront bien plus dures à changer que des panneaux. Chaque changement, le plus infime soit-il, demandera beaucoup d’énergie et de courage.
Si changer un panneau a fait scandale, fait office de révélateur en découvrant les objections les plus farfelues et les attaques les plus virulentes, imaginez maintenant, les obstacles qu’il faudra surmonter, et la force de conviction qu’il faudra, femmes, hommes, ensemble, déployer pour atteindre l’égalité salariale.