Ce sont mes héros du jour. Ils se brûlent les poumons pour construire la ville et refaire les trottoirs en pleine canicule. Ils sont Français, Portugais, Espagnols, Kosovars, Suisses ou d’autres nationalités encore. Quand tu trouves que la canicule est insupportable à 38 degrés, ils sont à 150 degrés le nez sur le bitume. Et ils sourient.
Reconnaissance pour le boulot qui est fait. Paie-leur une bière quand tu passes à côté d’eux et montre leur du respect. Ouvre la discussion si tu veux. Ils te diront qu’il se font souvent engueuler, qu’on leur reproche de ralentir la circulation ou de gêner, ils risquent parfois de se faire écraser.
Il n’y a pas souvent un merci. Pas souvent un regard sympa. Rarement un geste de soutien. On est dans un monde où ça râle, ça gueule, où il y a une large coalition pour critiquer et dénigrer ce qui se fait, mais peu de gens pour reconnaître le boulot réalisé. Peu de gens pour rendre hommage à celles et ceux qui, jour et nuit, bossent à bas bruit, dans la ville, pour qu’elle fonctionne, pour que ton journal soit livré, ton croissant chaud, que ton eau arrive à ton robinet, que ton hôpital te soigne, que ton four chauffe, que ton caca soit évacué.
On est dans une société de consommation où tout doit fonctionner au poil et à la seconde, ou l’on est frustré comme des blaireaux quand il faut attendre deux minutes quand c’est pas trente secondes, et incapable de voir tout ce qui semble aller de soi, couler de source, et qui pourtant demande un investissement constant, et le travail douloureux de quelques uns.
En passant, réfléchis à cela: il est surprenant que lorsqu’un délit est commis, certain.e.s désignent encore la nationalité de la personne qui l’a commis. Pourtant, tu ne vois jamais dans nos rues : cette maison a été bâtie par des maçons espagnols, ce pont a été fait par de jeunes italiens ayant quitté leur famille; ce sont des infirmières françaises qui ont sauvé la vie de milliers de personnes cette année; des médecins grecs, des docteures iraniennes, qui guérissent tes enfants, des nounous philippines, roumaines, qui te permettent d’aller travailler l’esprit tranquille, à notre société de tourner, et des ambulanciers polonais qui sauvent des gens de la noyade. Non, ça on ne le voit nulle part.
Plus fort encore, il y a même des partis politiques, qui non seulement ne montrent aucune reconnaissance pour le travail fait, mais aimeraient en plus nous faire croire que les étrangers sont un problème.. alors qu’ils te permettent de vivre.
Ce sont mes héros du jour ces hommes qui répandent du bitume incandescent sur la route. Ils se brûlent les poumons à deux pas du Rhône et sourient, se lancent des vannes pour se donner du courage. Ils prennent du goudron dans les bronches pendant que d’autres se baignent et se passent de la crème solaire. Ils jouent avec le feu, pendant que d’autres profitent de l’eau. Ils refont des trottoirs, pendant que d’autres se refont la frange ou déplissent le pli de leur pantalon. Ces gars sont des héros, autant pour le boulot qu’ils font, que pour ce qu’ils endurent des autres en le faisant.
J’émets un voeu, une prière presque : paie-leur une bière quand tu passeras à côté d’eux, montre leur du respect, à tout le moins dis-leur merci. Et aux racistes, aux fascistes qui veulent te faire croire que l’étranger est ton ennemi, demande-leur à ceux-là s’ils seraient prêts, eux, les moralistes, à ramasser la pelle, une truelle, une seringue, un plateau, une poubelle, pour faire le boulot que des dizaines de milliers de gens font pour la collectivité, souvent sans récolter ni merci ni sourire, ni même un regard.