Rebaptiser l’ascension

  • 11. mai 2020
  • air du temps
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Et si on rebaptisait l’Ascension? Alors que les Genevois.e.s ont voté une nouvelle loi sur la laïcité le 10 février dernier, quelques mois plus tard, nous avons toujours officiellement congé pour méditer sur l’élévation au ciel de Jésus suite à sa dernière rencontre avec ses disciples après sa résurrection. Anachronique.

Alors que la nouvelle loi sur la laïcité proscrit les signes extérieurs d’appartenance religieuse aux employé.e.s du canton, des communes et des établissements de droit public en contact avec le public et que les élu.e.s cantonaux et communaux sont soumis à la même restriction, les fêtes religieuses demeurent des congés officiels alors que plus personne n’y croit. Il est schizophrène, pour une République qui se veut et se prétend laïque, de maintenir ces fêtes, reliquats désuets du passé hégémonique du christianisme.

Pourquoi avoir maintenu des fêtes religieuses : Noël, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, dont la signification n’est plus évidente aujourd’hui pour une majorité de la population?

Certains répondront sûrement que c’est un élément historique de notre société, qu’y toucher serait attaquer notre passé, que ces fêtes marquent notre histoire. C’est aller un peu vite en besogne et mal connaître l’histoire, en oubliant que ces fêtes religieuses ont pris place sur des fêtes plus anciennes, païennes, liées aux cycles agraires et basées sur des cycles solaires. Ainsi ce qui est devenu Noël était avant tout la fête du solstice d’hiver, la fête du soleil. Avant la Christanisation de l’occident, les romains fêtaient le culte de Sol invictus (le soleil invaincu) et l’empereur Aurélien avait choisi cette fête à la fin des traditionnelles Saturnales romaines.

D’autres, nous parlerons de fête identitaire. Ils nous resserviront la vieille soupe saumâtre qui veut que l’Europe soit prétendument « judéo-chrétienne » (et blanche et masculine pendant que l’on y est) sans même être capable de définir ce concept, laissant uniquement percevoir par là leur refus de la diversité, d’une société inclusive, pourtant toujours plus nécessaire aujourd’hui et impliquant de se redonner des références communes, de fêtes rassembleuses, symboliquement fortes, auxquelles tout le monde, quel que soit son genre, sa croyance ou non croyance, pourrait s’identifier.

Dernier argument, ces fêtes seraient éducatives, structurantes, une forme de cours d’histoire. Demandez voir à un ado ce qu’il pense de Pentecôte. Il vous rira au nez.

Faisons le pas, rebaptisons les fêtes religieuses. Soyons cohérents avec notre constitution laïque, et faisons évoluer ces fêtes qui furent certes durant une période de notre histoire religieuses, mais devraient appartenir désormais bien plus à des éléments environnementaux et sociétaux liés à notre environnement. Alors que l’urgence climatique est toujours plus forte, que les interrogations existentielles sur l’avenir de l’humanité sont au coeur de notre cité, nous avons une belle opportunité de faire évoluer ces fêtes pour les rapprocher de la population et permettre de réfléchir sur notre monde de demain, pas celui d’hier.

Ce serait aussi pour l’église un bel exercice d’humilité, et l’obligerait à prendre acte avec simplicité que si le christianisme s’est égaré dans une hégémonie et une volonté de puissance sans limite, un nécessaire décentrement ne pourra que l’inviter à revivifier son message et par là augmenter sa crédibilité envers la population. Retour aux sources, pour une église proche du message de l’évangile plutôt que des ors des palais et des intrigues politiques.

On commence le brainstorming?

Noël pourrait devenir la fête des naissances (on parlerait conception, naissances, Gestation pour autrui, orientation sexuelle). Pâques: la fête des recommencements (on parlerait de résilience, de nouveau départ, de survivance). L’Ascension : une fête du collectif (qu’est-ce que faire communauté, vivre en société, appartenir). La Pentecôte deviendrait la fête des spiritualités (on parlerait de matérialisme, du virtuel, d’existentialisme) afin que cela parle à toutes et tous, et que le sens de ces journées et de notre société en soit renouvelé et vivifié.

Un Etat qui interdit le port de signes religieux à ses employé.e.s mais proclame à intervalles réguliers des fêtes religieuses et fériées manque sérieusement de cohérence et donc de crédibilité. 

Gardons les jours de congé, pour faire toujours plus société, se retrouver, mais faisons-en évoluer le sens, pour être davantage en phase avec les enjeux d’aujourd’hui.

Rebaptisons l’Ascension, Noël et autres fêtes religieuses en accord avec des noms liés aux enjeux de notre temps : écologiques, sociaux, afin que ces jours fériés soient inclusifs et rassembleurs; non-religieux, mais en accord avec la laïcité, et spirituels, évidemment, car l’humain ne se nourrit pas que de clics, de plastique et de courbes de croissance ou d’un passé révolu, fût-il glorieux.

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