Voter est un écogeste

  • 11. mai 2020
  • air du temps
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A4BC6D73-AFB4-4D2E-B0CA-97059DD825EF.jpegQuel sont les écogestes les plus importants? Trier ses déchets, ne plus prendre l’avion, ne plus consommer de viande, favoriser la marche à pied? Ne respirer plus qu’une fois sur trois, renoncer à avoir un animal de compagnie, des enfants ?

On voit fleurir, de différents bords politiques, des propositions visant, sans changer fondamentalement le système de production et de consommation à le verdir, ou plutôt, en l’individualisant, à rendre chacun.e plus responsable et donc coupable du salut ou non de la planète. Or si les écogestes sont importants, ils sont insuffisants. C’est le complexe industrialo-financier qui doit être attaqué. Ce n’est pas du salut de la planète dont il est question, mais du défi, à notre échelle, de continuer à faire société d’une manière durable; et de voir clair sur les entreprises d’enfumage du profit à tout prix qui arrive encore, par exemple, à vendre des voitures toujours plus grosses, toujours plus puissantes, et faire croire qu’elles sont toujours plus économes, ou laisser entendre que les inégalités de richesse sont innées, et que celles-ci peuvent continuer de s’accroître encore.

C’est d’un exercice de lucidité radical, et de travail politique sans concession que naîtront collectivement les décisions de fond allant au-delà des postures, ou d’une morale individuelle culpabilisante.

Balancés entre la collapsologie, les théories de la fin du monde, la montée en puissance des superstitions et des théories du complot, dans un temps qui semble pré-apocalyptique, le caractère scrupuleux avec lequel certain.e.s font voir qu’ils/elles ne prennent plus l’avion, publiant sur facebook (ben voyons) leur exploit d’aller à Paris en train (wouaw), ou évitant de prendre un sac de plastique (utilisant un sac en toile; las, ce dernier ayant finalement un bilan écologique encore plus désastreux), recyclant leur vieux cintre pour bricoler un parapluie avec une veste cirée défraîchie. Tout cela conduit à dire que c’est très bien, mais trop peu, et il apparaît clairement que la transformation du capitalisme doit être beaucoup plus profonde que ces gestes et questions réglées individuellement.

Ne revenons pas au temps des indulgences. Vous savez, ce temps où le citoyen versait dans son coin une somme à l’église catholique romaine pour voir absous ses péchés. La tarification de chaque faute était liée à un nombre de jours de mortification. Les fidèles finissaient par marchander maniaquement auprès du prêtre un acte de charité sonnant et trébuchant pour continuer à vivre peu ou prou de la même manière. Le renoncement à un steak équivaut-il à un voyage en jet? Ne nous fixons pas sur le boulier de nos bilans carbone, comme on compte ses pas pour plaire à son docteur. L’époque exige davantage de nous que cela.

Le coeur du problème c’est le capitalisme, le lien entre l’accumulation de capital et l’épuisement des ressource, la violence sociale, le boulet de la société industrielle, et l’étreinte de la main invisible qui nous sert à la gorge en ayant affiné ses outils technologiques,t de surveillance et d’auto-contrôle.

Pour le dépasser, il y a un écogeste fondamental, c’est celui de voter. Econome, efficace, il permet, sans grands effets de manche d’arrêter de penser le monde d’avant pour se projeter dans celui d’après, sans se bercer narcissiquement d’illusions. Il n’y a pas de camp vertueux qui préfère la quinoa au gras, pas de paix d’esprit qui préfère le vélo au scooter, mais une exigence forte de se replacer devant l’exigence nue d’une citoyenneté qui se donne les moyens collectifs et politiques de faire société autrement, d’abolir les rapports de domination, et de cesser de croire que la solution serait de quelque manière uniquement individuelle et basée sur autre chose que des revendications politiques collectives.

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