Sans-abrisme : sortir de la charité saisonnière

  • 12. avril 2018
  • air du temps
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D’habitude cela se déroule uniquement durant les fêtes de Noël. Les températures glaciales font prendre conscience que des gens dorment dehors, et un mécanisme humain et médiatique de compassion se met en branle.

Il semble alors que l’on découvre la précarité sociale comme un fait nouveau. Il y a une prise de conscience plus vive que celles et ceux qui dorment dehors risquent leur peau. Cela est alors suffisamment grave pour rédiger des articles, et faire bondir la courbe des volontés de bénévolat. Mais cela ne devrait pas nous faire oublier, que si le risque de mourir de froid dans la rue est réel par grand froid, il n’est pas moindre, voir même plus fort le reste de l’année (risques de déshydratation associé à d’autres facteurs : la chaleur, les vêtements inadaptés pour la saison, l’extrême fatigue, les noyades). On doit en fait penser que les risques de mourir en hiver sont… moindres qu’en été (ouverture d’abris de protection civil, maraude, déclenchements de plans d’alerte) et surtout qui-vive des pouvoirs politiques qui craignent un décès qui le reste du temps est dégagé comme un malheureux aléa de l’existence et non une responsabilité politique. Le reste de l’année, à bas bruit, la précarité sociale détruit des vies, toujours, avec ou sans regard médiatique.

 

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Oui, cette mobilisation ponctuelle et charitable, sur des périodes définies, et parce qu’il fait froid nous empêche finalement de penser que tout le reste de l’année la précarité sociale est la même si ce n’est pire. Elle nous aveugle. On s’en inquiète alors fortement deux semaines et puis… n’oublie-t-on pas ? Ceci dit, des articles de la qualité et profondeur de ceux de Thierry Mertenat méritent d’être relevés.[1] Mais l’indignation temporaire ne fait pas une politique publique et ne change pas la donne du fond du problème.

Les personnes qui se retrouvent à la rue sont de plus en plus nombreuses.  Elles font les frais d’une précarisation grandissante du monde du travail, de l’accès et de la conservation des droits aux logements et aux services sociaux, comme le rappelait le collectif La Genève escamotée en… 2013 déjà![2]

Les plus précaires se retrouvent facilement sans domicile. Plus de 400 personnes, selon les estimations de certaines associations cherchent quotidiennement un lieu chaud pour passer la nuit. La précarité sociale se fout du thermomètre, des vacances ou des fêtes religieuses.

L’accueil d’urgence n’est toujours pas adapté à l’augmentation croissante du nombre de personne en grande précarité. Malgré les efforts de la Ville de Genève et des associations spécialisées, encore trop seule dans ce domaine, où sont les autres lieux d’accueil pour les personnes à la rue ? Il faudra plus qu’un 144 pour sauver les personnes qui sont à la rue [3]

Il serait surtout grand temps d’entendre Monsieur Poggia, conseiller d’Etat coupable d’une inactivité et d’un silence terrible sur cette question, balayant chaque année des vies dans les bois sous les ponts, par grand froid ou par grand chaud en raison d’un manque de courage politique. Inactivité coupable du Canton de Genève sur ce sujet.

 

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Une politique d’urgence saisonnière

La politique du thermomètre est un échec. Les durées de séjour limitées ou payant dans les abris envoient des personnes toujours plus loin dans la forêt ou dans des abris cachés ou il devient plus difficile de nouer un contact avec eux, et donc leur fait courir de plus grands risques encore. Le nettoyage par les polices de la précarité sociales avec des mises à l’amende des pauvres est scandaleuse et devrait empêcher quiconque de verser une larme à la lecture d’un article sur la précarité sociale alors que le reste de l’année on ferme les yeux sur le fait que des pauvres se retrouvent en prison pour amendes de mendicité ou d’usage abusif de l’espace public (c’est-à-dire : dormir sur un banc par exemple)!

Il est urgent de sortir d’une forme de charité émotionnelle et ponctuelle pour lutter véritablement toute l’année contre le sans-abrisme qui détruit des vies. Il ne suffira pas de bonnes consciences et de bénévolat, -fut-il magnifique et à renforcer-, mais véritablement d’une volonté politique forte, de nouveaux moyens alloués, que ce soit en terme de lieux d’accueil, de personnel formé, et d’une meilleure concertation entre tous les services concernés.

Et si cela n’est pas fait, on pourra certes toujours avoir des articles touchants, de la charité ponctuelle, mais rien ne changera, et l’on fera ce que l’on a toujours très bien su faire en Suisse et à Genève, avec plus ou moins de bonne conscience détourner la tête des problèmes de précarité et pauvreté et accepter que ce soit le thermomètre ou les matraques des pandores qui régissent grandement la politique sociale.

 

[1]https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/grand-froid-souf…

[2]http://www.alcip.ch/menu-nouvelles/34-la-geneve-escamotee…

[3]https://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/Les-temperatures-chutent-priorite-aux-sans-abri/story/17836849

 

Photographies Eric Roset http://www.eric-roset.ch/

 

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