La presse l’avait annoncé, si la semaine passée, les deux roues motorisées avaient été ciblées par la police durant les vacances, à la rentrée, les cyclistes allaient y passer. Et les voitures? Peut-être à Noël… ou à la semaine des quatre jeudis, qui sait.
Après deux jours d’opération spéciale, un seul enseignement ressort de ces actions : mettre des amendes ne sert à rien. Et ne servira toujours à rien tant qu’une vraie place ne sera pas faite sur la route pour les adeptes de la petite reine. La police a mieux à faire que de chasser les usagers les plus vulnérables de la route. Tant que leur protection ne sera pas assurée, la police ferait bien mieux de protéger leur vie.
Il faut repenser la mobilité pour mieux intégrer les cyclistes. L’article de la Tribune rendant compte des manoeuvres de la police leur donne la parole. Leur témoignage est édifiant. Ce qui en ressort, c’est l’incompréhension, le sentiment de devoir survivre dans un espace qui n’est pas pensé pour eux, quand bien même ils utilisent un moyen écologique, qui ne nuit pas à la santé, ne pollue pas, et économise des volumes de parcage.[1]
Kamikaze ou terroriste ? Juste cycliste!
Les cyclistes, vulnérables, sont jetés en pâture sur la route. Un exemple parmi tant d’autres. Vous arrivez en vélo du quai Gustave-Ador. Vous devez emprunter le pont du Mont-blanc. Vous risquez votre vie le long du jardin anglais, tassé contre le trottoir avec des voitures qui vous frôlent à haute vitesse. Vous serrez les dents, prenez votre courage à deux mains, levant bien haut l’une d’elle pour signaler que vous allez vous risquer à traverser deux voies de trafic à haute vitesse. Tout cela pour… tenter d’atteindre vivant la rue de Chantepoulet… Si vraiment vous êtes du genre kamikaze, vous aurez même pris le risque d’attendre le feu vert devant l’horloge fleurie, et osé la même manoeuvre au moment du démarrage de la meute des voitures. Jamais essayé ? Faites-le. La risque de mortalité est plus élevé que lors d’un saut de base-jump.
Alors quoi, il aurait fallu que vous veniez prendre la place des piétons au jardin anglais ? Que vous empruntiez ensuite la passerelle piétonne du pont du Mont-blanc en slalomant entre eux ? Tout cycliste tenant à la vie vous le dira, il empruntera la passerelle piétonne du pont du Mont-blanc. Si vous lui dites que vous prenez la route, il vous regardera comme un demeuré. Mais quoi ? Tu roules sur la route? Tu veux mourir ou quoi ?
Un autre exemple ? Boulevard Georges Favon. Vous commencez par emprunter la (nouvelle) piste cyclable qui s’arrête abruptement dans un resserrement coupe-gorge à hauteur du café-glacier du Remor, où les voitures vous serrent et tassent contre le trottoir. Atteignant le pont de la Coulouvrenière, une indication vous envoie disputer la passerelle aux piétons. Totalement illogique, incohérent et dangereux.
Respectez les règles fait de vous un kamikaze.
Vous en affranchir pour sauver votre peau un cycloterroriste.
Or, les cyclistes ne souhaitent rien d’autre que d’être des usagers de la route, tout simplement, avec une véritable place aménagée pour eux.
Ni kamikaze, ni terroriste, juste usager de la route.
Dites, c’est quand qu’on leur fait cette vraie place?
Faites respecter la loi pour préserver les plus vulnérables !
PRO VELO Suisse recommande aux cyclistes, d’entente avec la Confédération, de conserver une distance minimale de 70 cm avec le bord de la route ainsi que les lignes de sécurité. Dans les giratoires et pré-selection vers la gauche, le cycliste s’écartera de la droite pour se placer plus au centre de la voie de circulation.
Excusez-moi, mais si je respecte à la lettre ces recommandations, en ville, en trois jours, je suis MORT.
De leur côté, les automobilistes devraient laisser une distance d’au moins 90cm lorsqu’il dépassent un cycliste. Faites le calcul : 70 cm du trottoir + 90cm de sécurité avec le vélo. Quand une voiture me dépasse, elle devrait donc être à 1mètre 60 du trottoir… désolé, ce n’est pratiquement jamais le cas.
Alors, entre risquer sa peau ou une amende à 60.- le « choix » sera toujours vite fait.
Et à tout prendre, je préfèrerai toujours être considéré comme un cyclo-terroriste que d’être mort.
Les amendes sont à la prévention ce que la matraque est à la pédagogie
On peut s’étonner aussi que la Ville de Genève mette généreusement en garde les cyclistes sur son site web. Mais vous chercherez en vain une page similaire avertissant les automobilistes de faire attention aux cyclistes et aux piétons.[2] Pourtant, qui sont les tueurs de la route et envoient concrètement les gens de vie à trépas ?
Si l’augmentation des cyclistes est estimée à 30% environ tous les 5 ans, il n’y a jamais 30% d’augmentation des mesures d’accompagnement et des pistes cyclables mises à disposition. Jamais.
On peut donc envoyer la police pour sanctionner les vélos, on ne cachera pas la seule vérité qui ressort de leur action stérile : aujourd’hui, on prend du retard à Genève concernant la mobilité des cyclistes.
Il y a toujours plus de cyclistes à Genève, toujours moins de place pour eux sur la route.
La police peut bombarder les cyclistes d’amendes, bomber le torse et faire de la communication.
Cela n’y changera malheureusement rien. C’est tristement le seul enseignement à retenir de ces opérations cosmétiques…
[1] http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/cyclistes-collima…
[2] http://www.ville-geneve.ch/themes/mobilite/velos/circuler-velo/conseils-securite/