Pas de quoi pleurer la suppression des feux d’artifice. Polluants, fabriqués en Chine, pétaradants, coûteux, fauteurs d’incendies, la décision de nombreuses communes de s’en passer va dans le bon sens.
De la même manière que l’on peut s’amuser sans alcool, on peut évidemment faire la fête sans des gerbes de poudres explosives qui effraient les bêtes et font ruisseler des tonnes de poussières fines sur nos tronches ébahies. L’orgasme pyrotechnique est à la fête ce que l’achat compulsif est au commerce : une boulimie gargantuesque. Les millions flambés pour faire rougir les nuages font d’ailleurs passer Gainsbourg et son billet de 500 francs français cramé à la télé pour un tout tout petit joueur.
On s’étonne presque qu’au creux de l’été il n’y aie pas eu de voix pour pleurer l’abandon de cette bonne vieille tradition et accuser le wokisme ou les islamogauchistes de vouloir mettre à bas nos traditions en tournant la page des feux d’artifice.
Ce qui m’attriste toutefois, c’est la disparition programmée des feux de joie. Vous savez, ces brasiers du premier août faits de vieilles planches autour duquel on se rassemble (rassemblait?), et qui servaient depuis la nuit des temps à se lancer des signaux de montagnes en montagnes, un peu comme les Comanches ou les Apaches communiquaient par nuages de fumées bien avant l’invention de la téléphonie mobile.
Ces feux permettaient de lancer l’alerte en cas d’invasion. Ils sont devenus peu à peu des feux d’allégresse et le symbole d’une union. Le bois qui crépite, les braises qui rougeoient, une foule anonyme réunie autour du même foyer, dans la nuit, c’est très fort, archaïque et magique. Cela est relativement écologique. On peut facilement brûler le vieux décor d’un monde qui s’écroule ou quelques scènes de vieilles tribunes vermoulues
Ces feux de joie semblent aussi condamnés. La faute aux sécheresses, aux risques d’incendie et aux étés caniculaires qui sont désormais la norme. Non, il ne faut plus craquer des allumettes quand notre monde flambe. Il nous reste à nous réunir en famille devant la télé pour contempler le brasier avec un petit blanc bien sec.
Ce qui assassine nos traditions ainsi que notre avenir, met radicalement en péril notre présence sur cette planète, bien plus que n’importe quel fantasme de grand remplacement, de wokisme rampant avec ou sans dreadlocks, c’est l’avidité capitaliste et les abrutis climatosceptiques qui ont pour projet de cramer jusqu’au dernier litre d’essence pour faire encore un dernier kilomètre cheveux aux vent.
Ciao donc les feux d’artifice! Mais sérieusement, faut-il vraiment les remplacer par des drones ? Par des centaines de bidules électroniques biberonnés au nucléaire tournicotant en l’air pour faire des arabesques dignes de Jean-Michel Jarre ? Le bon vieux coup des lasers dans la nuit, ce serait cela notre « innovation » ?
Désolé, mais aux drones électroniques, je préfère encore les lampions et un petit air d’accordéon dans la nuit.
Et si on laissait tomber les carrousels de drones pour éteindre les lumières des villes et regarder ensemble les étoiles avec pour seule playlist le froissement fou des ailes des chauves-souris ?
Et bon si on souhaite vraiment inventer un nouveau rituel pour le 1er août, qui ne soit pas un Halloween grimaçant ou un Noël consumériste, demandons aux habitant-e-s, aux artistes de nous faire rêver, lançons des appels à projet au monde des arts et du social, parce que mettre en orbite des drones c’est un ersatz triste d’un feu d’artifice froid. Absolument pas plus écolo. Assurément inodore, silencieux, mais aseptisé et triste comme une silent party à la place d’un concert rock.
Aux drones je préfère encore les lampions.
Joyeux premier août à toutes et tous!
Et longue vie à notre belle fragile et unique planète bleue.