Vers la fin de l’impunité des mollahs

  • 26. juin 2022
  • air du temps
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Sur la base de la compétence universelle, pour la première fois, l’un des auteurs du massacre de milliers de prisonniers politiques de 1988 en Iran passe en jugement en Suède. Plus de 90 % des personnes exécutées étaient des Moudjahidine du peuple (OMPI/MEK), principale opposition iranienne partisane de la liberté et de la séparation de la religion et de l’État.
Lors de la première audience de sa défense, Hamid Nouriy a affirmé qu’il était affecté à la sinistre prison d’Evine de 1982 à 1993, et que les informations sur les exécutions de l’été 1988 étaient « une histoire fantaisiste, illusoire, vide, fausse et sans fondement ». Après une quarantaine de témoignages à charge, il a qualifié le massacre de l’été 1988 de « fiction ». Il a démenti la terrible fatwa de Khomeiny, rédigée de sa main, ordonnant l’exécution de 30’000 prisonniers politiques. Il a démenti l’ayatollah Montazeri, alors successeur de Khomeiny, qui disait – dans un enregistrement rendu public – à une commission de la mort, dont l’actuel président Ebrahim Raïssi était membre : « vous avez commis, sous la République islamique, le plus grand crime pour lequel l’histoire nous condamnera ».  Passons sur le fait que l’actuel président iranien a déclaré avant de prendre ses fonctions qu’il était fier de son passé.

Ce n’est pas Hamid Noury qui est jugé devant le tribunal suédois, mais un régime qui sème la mort en Iran et dans la région depuis plus de 40 ans. Un régime qui détient le record d’exécutions par habitant et qui reste le premier bourreau de femmes et d’enfants. Or durant toutes ces années, la dictature en Iran a bénéficié d’une impunité totale, fruit de la politique de complaisance des pays occidentaux.

Les Iraniens marquent ces jours le second anniversaire du soulèvement de novembre 2019. Un mouvement écrasé dans le sang avec au moins 1 500 jeunes insurgés abattus dans la rue par les forces de sécurité, pendant qu’internet était coupé. Le guide suprême Ali Khamenei en avait donné l’ordre. Un sociologue iranien, dans une interview accordée à un site proche du pouvoir, affirme que le soulèvement de 2019 était fondamentalement différent de tous les précédents, notamment celui de 2018 ou de 2008 appelé Mouvement vert, et qu’il était principalement politique.

Les jeunes insurgés, toutes classes sociales confondues, partageaient le même désir politique d’un changement radical de régime. Ils s’opposaient au projet nucléaire, à l’ingérence au Moyen-Orient et aux tueries des pasdarans en Syrie et en Irak. Ils ont vu l’inefficacité de leur vote et de leur volonté dans le destin de leur pays.

Une nouvelle ère a commencé. Il y a désormais un avant et un après novembre 2019.  Comme l’a noté la branche d’Amnesty International en Suède « C’est la première fois qu’un individu accusé d’avoir participé à ce grand crime se retrouve devant un tribunal international, c’est donc incroyablement symbolique ».

La fin de l’impunité des mollahs

Le professeur Kazem Radjavi, premier ambassadeur d’Iran à l’ONU à Genève après la chute du chah, a été assassiné à Coppet en 1990 par un commando venu de Téhéran parce qu’il dénonçait le massacre des prisonniers politiques de l’été 1988. C’est pourquoi le tribunal pénal fédéral suisse a décidé le 23 septembre 2021 de relancer l’enquête sur cet assassinat dans le cadre « des infractions de génocide et/ou de crimes contre l’humanité ».

Un tribunal suédois attire désormais l’attention du monde sur un génocide commis il y a trente-trois ans, que le régime a tout fait pour dissimuler, allant jusqu’à la destruction des fosses communes. A Londres, un tribunal populaire, composé d’experts et de juristes éminents des droits humains, a examiné la tuerie de novembre 2019. En janvier dernier, un tribunal en Belgique avait condamné un diplomate iranien à 20 ans de prison pour avoir dirigé une tentative d’assassinat contre un rassemblement annuel de la Résistance iranienne. Il n’a pas fait appel. Trois de ses complices, condamnés à de lourdes peines de prison, ont fait appel et le procès s’est tenu les 17 et 18 novembre.

Nous sommes à un tournant. Il s’agit bien de la fin de l’impunité du régime iranien. Une nouvelle ère ouverte par la jeunesse iranienne. Mais alors que les temps ont changé, les tentatives de revenir à l’accord nucléaire de 2015, le pouvoir iranien continue de développer ses missiles et son ingérence régionale, des programmes qui, avec la répression interne, engloutissent les richesses de la nation et l’argent du pétrole.

Au fur et à mesure que la communauté internationale, avec en tête l’ONU et son Haut-commissariat aux droits de l’homme, s’attaque à la culture d’impunité en Iran, elle contribue à neutraliser les velléités de Téhéran de se doter de l’arme nucléaire et soutient les Iraniens dans leur désir de changement et de liberté en Iran. Cela nous invite aussi à réfléchir, en Suisse, et particulièrement à Genève, de quelle manière nous apprécions cette situation.

Article publié dans l’édition du Temps le mardi 21 décembre https://www.letemps.ch/opinions/vers-fin-limpunite-mollahs

 

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