Dans le GHI, le Conseiller d’Etat à la tête du Département de la sécurité, de la population et de la Santé déraille. Alors que la justice vient à nouveau de donner raison à six prévenus pour entrave à la circulation dans le cadre de participation à une Critical mass (Déambulation festive à vélo le dernier vendredi du mois), voilà comment le Conseiller d’Etat M.Poggia réagit : « Je suis effaré par cette décision. J’attends d’en connaître les motivations. Ce qui m’étonne c’est que, cette fois, les contrevenants étaient poursuivis pour entrave à la circulation routière. Et non par rapport à la loi sur les manifestations sur le domaine public. Ces acquittements répétés donnent un message interprété, de mauvaise foi, par les membres de la Critical mass comme : la justice nous donne raison, c’est l’impunité ! La justice est instrumentalisée. Elle ne prend pas suffisamment au sérieux ce que cache ce type de manifestations. Ce n’est pas un rassemblement bon enfant. C’est la mise en cause de notre ordre juridique. »
La justice est instrumentalisée ? La réaction du Conseiller d’Etat Poggia est ahurissante. Elle fait fi de la séparation des pouvoirs et conteste frontalement une décision de justice. Elle foule aux pieds la présomption d’innocence. Pour lui, tout cycliste roulant dans une critical mass est un criminel et doit être condamné, et au diable la loi. Prétendant faire la leçon aux jeunes qui participent à la Critical mass, il exerce sur ceux-ci des pressions malsaines qui ne font qu’envenimer les choses. Essuyant revers après revers devant la justice, cela le conduit à une sortie de route inacceptable visant à remettre la justice en cause, plutôt que de questionner ses propres interprétations erronées de la loi.
A de nombreuses reprises, la justice a désavoué l’action de Monsieur Poggia. Rappelons ici d’autres événements durant lesquels des individus ont été arrêtés, amendés puis innocentés suite à un recours. On pense immédiatement aux 15 de la Treille et aux jeunes de « Malagnou restera » dont les recours ont été validé par les Tribunaux. Le 13 avril 2022, un participant amendé de la Critical Mass, avait déjà été acquitté. Pour le Tribunal de police, la brigade d’intervention n’avait aucune bonne raison de pourchasser ce cycliste de 77 ans qui ne songeait qu’à exercer un droit fondamental en se rendant à une réunion pacifique.[1] Le 3 juin 2022, dix militants d’Extinction Rebellion ayant manifesté à Genève durant le Covid pour soutenir les nouvelles pistes cyclables et ayant fait recours contre des condamnation par ordonnance pénale à des amendes allant de 750 à 1000 francs ont gagné devant la justice. Cette enième victoire devant les tribunaux suite à des atteintes au droit de manifester étend la réflexion a un niveau systémique.[2]
Les exemples sont légions ces dernières années d’une application erronée de la loi sur les manifestations par Monsieur Poggia. Visiblement, dans le cadre de la Critical mass, la police n’a pas fait respecter la loi, mais l’a outrepassée, violant le droit supérieur. Il y a un responsable à cela : M. Poggia. Moitié Calimero, moitié Trump ou Bolsonaro quand la loi ne lui plaît pas, il s’assied dessus et cherche à décrédibiliser les institutions qui en défendent les fondements. Pour rappel, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse pour avoir restreint de manière trop radicale la liberté de réunion au début de la crise sanitaire et rappelé que l’exercice du droit à participer à une réunion pacifique est garanti. Réaction de M.Poggia : » Leur but est de dire que notre loi sur les manifestations est contraire au droit supérieur, que c’est une violation de la Convention européenne des droits de l’Homme. » Inquiétant.
Monsieur Poggia ne cesse de jeter de l’huile sur le feu. Il ne respecte visiblement pas la séparation des pouvoirs, ni le droit supérieur et la présomption d’innocence. Il se croit non seulement au-dessus des lois, mais même des tribunaux, dans un inquiétant délire de toute puissance. Son action nous inquiète. Elle est bien plus dangereuse que des jeunes roulant ensemble à vélo le dernier vendredi du mois. Ces derniers ne revendiquent que de déambuler sur la route. M.Poggia, lui, attaque les bases de notre démocratie en méprisant des lois, des décisions de justice, et la présomption d’innocence, comme si son objectif était de forcer à la confrontation contre ces jeunes en les criminalisant à tout prix. Ce faisant, le Conseiller d’état, opère une sacrée sortie de route.
[1] https://www.letemps.ch/suisse/droit-manifester-reprend-forces-geneve
[2]https://www.tdg.ch/dix-activistes-du-climat-sont-acquittes-262662353971