Préparation de breuvage à la citrouille, défilés de déguisements abominables, animations artificielles au coin d’un faux feu, déguisement de son animal de compagnie, Halloween revient comme chaque année nous hanter avec son kitsch commercial illimité. Chaque année, rebelote, cet avatar grotesque de fête prend davantage d’importance : toiles d’araignées factices, vieilles ouates et citrouille fluo font « décoration » dans quantité de commerce, du garage au coiffeur en passant par l’esthéticienne et le bar du coin.
Aucune pitié ni pour la créativité ni pour la simplicité, tout cela est tartiné d’un anglais approximatif, enseveli sous des montagnes de bonbons, de chocolat, de dégueulasseries en plastique. Pour faire passer la pilule, s’la jouer plus cool et amerloque, du beurre de cacahuètes et de la confiture de fraise sont de rigueur. Pauvre de nous.
Quelle meilleure date qu’ Halloween pour relancer la machine clament-ils, ayant flairé le bon filon. Halloween est une étape avant le black Friday pour bien atteindre Noël. Nous voilà dans la catégorie des grands bazars ayant dévoré sens, histoire et poésie, pour vendre un maximum de toc, de n’importe quoi, inutile.
Honnêtement, avec le Covid et le spectre lugubre qui s’est abattu sur notre société on aurait pu imaginer que la mort avait déjà été bien servie, et que de celle-ci, nous avions peut-être appris quelque chose, développé des peurs à discuter et des histoires à transmettre, allant au delà du don de chocolat aux enfants et des tatouages de vampire (même si c’est peut-être la partie la plus noble de cette non-fête : la joie des enfants dans son aspect carnavalesque).
Durant le Covid on a compté les morts, on n’a jamais raconté leur vie.
La mort reste taboue, innomée, aseptisée, évacuée. Les souffrances pour les sur-vivants demeure un défi social, une gageur pour une communauté qui rejette la perte le silence et la mort ; spectre que des tonnes de chocolat et le grotesque d’Halloween ne parviennent ni à occulter ni à nommer. Le déguisement de sorcière à même ceci de rassurant qu’il est inoffensif, désuet et caricatural. Si les enfants se déguisaient en blouse blanche ou en infectiologue, l’effrayante visite de courtoisie ferait peut-être moins rigoler.
A la Toussaint quelques un-e-s iront sur la tombe de leurs proches, évoquerons en leur coeur les disparus. Pas bon pour le PIB, pas vraiment économiquement porteur.
Mais comment approcher la mort autrement que dans le silence, en face à face et démuni, avec des mots minuscules nouant le rattachement à la communauté des vivants, sans chercher à escamoter sous strass et pacotilles sa profonde fêlure?
Halloween est une non-fête, elle ne fait ni peur ni mal, transformant en parc d’attraction et pour une soirée nos relations de voisinage, et jouant, dans l’ouverture d’une porte et le don de chocolat, à parodier la politesse de l’anonymat.
Dire cela, rappeler comme l’isolement est profond, combien de nos frères et soeurs, se font livrer une salière en commandant en ligne à l’algorithme plutôt que risquer de sonner chez un voisin pour demander du sel donne envie de pleurer. Peut-être que l’effroi est là.
Halloween est une non-fête.
Laissons dans son jus yankee cette triste et fadasse soupe à la courge.