Il n’est pas possible d’accueillir des contingents de réfugiés afghans actuellement, a annoncé le Conseil fédéral mercredi, lors de sa première conférence de presse depuis la prise de Kaboul par les talibans [1]. Arthur Grosjean s’en félicite dans l’édito de La Tribune de Genève du lendemain [2]. Il loue le Conseil fédéral de ne pas céder à l’émotion et à la précipitation. Accueillir les afghan-e-s risquant leur peau actuellement serait… trop risqué ! Le journaliste appuie son argumentation sur le fait que la criminalité aurait augmenté en Allemagne lors de l’accueil des immigrés syriens en 2015. C’est une erreur de jugement. Il oublie de dire que les migrant-e-s qui bénéficient de titres de séjour posent peu de problèmes, car ils ne veulent en aucun cas compromettre leur situation. L’augmentation en Allemagne de la criminalité n’était pas le fait des réfugiés syriens. Des études ont démontré les biais de certains chiffres, notamment le fait que les étrangers sont plus facilement dénoncés, et d’une surreprésentation des hommes jeunes [3] Si vraiment « la sécurité » était le motif du Conseil fédéral, accueillir 10’000 afghan-e-s est un milliard de fois moins dangereux que de confiner de « bons suisses » avec leur femme durant la période Covid.
La criminalité ne cesse de décroître en Allemagne. Le critère décisif n’est pas la nationalité, mais les conditions sociales de vie [4]. Ce ne sont pas les migrant-e-s qui posent problème, mais bien la manière de les accueillir, de leur permettre de dessiner un futur chez nous, et de contribuer au bien être collectif. Bref, ce sont les moyens que l’on se donne pour accompagner et donner des perspectives d’avenir à des hôtes qui importe.
Alors que de nombreux pays annoncent accueillir des contingents de réfugié-e-s afghan-e-s (20’000 au Canada !), le Conseil fédéral, honte à nous, salit l’image de la Suisse en tant que pays refuge, pays des droits humains. Cela rappelle les heures sombres de notre histoire ou l’on prétendait que « la barque était pleine » et craignait de fâcher un voisin tyrannique. La peur déjà, était bien mauvaise conseillère.
Une fois de plus, une fois de trop, la Suisse aurait-elle comme seule ambition de passer à côté de l’histoire ? En se recroquevillant sur nous-même, nous bafouons notre tradition humanitaire et offrons des arguments aux prosélytes de la haine. Voilà le vrai risque sécuritaire ! Exprimons notre refus envers la décision du Conseil fédéral, et mobilisons nos élus nationaux et élues nationales pour inverser la tendance et que la Suisse accueille, car elle en a les moyens, des femmes, des enfants et des hommes menacé-e-s de mort imminente.
[1] https://www.letemps.ch/suisse/suisse-naccueille-contingents-refugies-afghans-linstant
[2]https://www.24heures.ch/la-suisse-ne-cede-pas-a-lemotion-492946226259
[3]https://www.letemps.ch/monde/selon-un-rapport-allemand-criminalite-augmente-nombre-migrants-pays
[4]https://www.bundesregierung.de/breg-fr/dossier/l-allemagne-est-l-un-des-pays-les-plus-s%C3%BBrs-au-monde-1597698
PHOTO : REUTERS / STRINGER Des Afghan-e-s tentent de pénétrer dans l’aéroport de Kaboul pour fuir l’Afghanistan.