La couverture médiatique du Vendée Globe, course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance est aussi insistante qu’écoeurante. Pourquoi ? Parce qu’elle met en scène des hommes et des femmes partis volontairement faire le tour du monde sur leur bateau comme des héros. Bien sûr, ce sont des êtres choisissant librement de vivre une expérience extrême, seuls avec leur webcam et leur barda technologique au milieu de la mer. Mais comment ne pas faire la comparaison avec les centaines de milliers de migrant-e-s qui vivent une expérience autrement plus mortelle et anonyme du dénuement et du risque, étant eux considérés comme des parias, des invisibles?
Le Vendée globe est la caricature spectaculaire d’un traitement médiatique malade. Cette course contre la montre et pour la gloire est une fable pixelisée escamotant la course contre la mort et pour la survie que nos frères et soeurs humains éprouvent en traversant fleuves et mers sur des canots de fortune… et s’y noient loin de toute caméra et sans sépulture, pendant que l’on tourbillonne sottement sur nos écrans sans fonds au milieu d’incessantes publicités.
On essuie donc comme une tempête l’étalage futile des matelots de TF1 (tel marin nous dit avoir mal au dos car il est tombé dans son bateau, tel autre nous montre les cadeaux de Noël qu’il a reçu en souriant bêtement). Le virus capitaliste atteint donc même les marins partis s’isoler au milieu de l’océan. Ils s’y retrouvent au final pour y faire la promotion de biscuits.
Pendant ce temps des migrant-e-s vont pieds nus dans la neige suite à l’incendie du camp de Lipa en Bosnie. « Nous vivons comme des animaux. Même les animaux vivent mieux que nous »[1] Pareil en Grèce où les conditions dans les camps sont extrêmes, et où des familles ayant fui la guerre sont sans abris, sans nourriture et meurent de maladie dans le froid.
Pourquoi sommes-nous incapables de désigner où sont les vrais héros plutôt que de se faire injecter dans notre récit collectif des héros médiatiques de circonstance (ou de pacotille) qui passent d’autant mieux en boucle qu’ils sont fades, mièvres et apolitiques, étant en général d’autant moins des « héros » qu’ils ont reçu toutes les cartes en mains et bénéficient du maximum de sécurités, tout en bénéficiant encore d’une prime à la virilité mal placée.
En pleine crise du cornavirus, au coeur de l’enjeu majeur du 21e siècle : l’accueil migratoire, il est urgent de bannir le culte des héros intrépides financés par l’industrie agro-alimentaire, les banques et les assurances.[2] Ces pauvres skippers semblent d’ailleurs davantage des galériens condamnés à passer de frontières en continents pour honorer leur statut de jouet de communication. [3] Ce cirque rétrograde du ‘Vendez Globe’, à l’image du Paris-Dakar, ou des « exploits » de Mike Horn, est une forme écoeurante de cirque humain. Pour notre malheur, un Suisse s’est investi dans l’aventure, ce qui contribue à rajouter une couche de nationalisme chauvin à l’épreuve. Il y a un « des nôtres » dans cette aventure (grand bien lui fasse). Pendant ce temps, des centaines de milliers d’autres risquent leur peau, n’étant médiatiquement « personne ».
Nos vrais héros et nos véritables héroïnes ne sont pas sponsorisés par Hugo Boss, le Yacht Club de Monaco, ou des marques de biscuits. Ils ont faim, soif, et des droits et des besoins fondamentaux inassouvis. Ils nous invitent à briser la complaisance des chaînes médiatique, véritable opium du peuple, qui solde du rêve ou de l’exploit mal placé.
Une nouvelle conscience collective est un objectif pour toute action en faveur de nos frères et soeurs migrant-e-s. Un courage nouveau la base pour obtenir un changement de société majeur.
[1]https://fr.euronews.com/2020/12/27/bosnie-herzegovine-des-migrants-livres-au-froid-et-a-la-neige
[2]https://sportbusiness.club/qui-sont-les-sponsors-des-skippers-du-vendee-globe/