Je ne sais pas si vous avez suivi le match de football Suisse-Espagne hier soir (joli match) et si vous avez vibré aux deux arrêts de pénalty du gardien helvétique. Moi, oui. J’aime le football, qui rassemble les gens.
Un truc m’a chiffonné quand même, c’est de voir les joueur s’enlacer, se bécoter, se prendre le visage à pleines mains, se frotter les joues, les cheveux, les fesses, se coller les épaules lorsqu’ils marquent un but (ou en arrêtent un). La masculinité s’en donne à coeur joie : crachats, glaires sur le terrain. Alors oui, bien sûr il y a la tension, l’adrénaline, la joie, mais… en période de pandémie, ne faudrait-il pas les mettre un peu en veilleuse les éruptions de testo?
Depuis des décennies on voit les joueurs s’agglutiner les uns aux autres pour se fêter, alors on comprend le poids du rituel. En même temps les messes sont suspendues, chacun fera Noël chez soi, on va plus au resto, il y aurait peut-être aussi moyen de la mettre en veilleuse l’exultation viriliste, non?
Après tout, beaucoup de professionnel-le-s ne peuvent plus exercer leur métier. Celles et ceux qui le peuvent encore font très attention et sont soumis à des normes très strictes. S’ils réussissent un contrat, trouvent un vaccin, gagnent une élection, ou sauvent une vie à l’hôpital, on sait qu’ils et elles évitent de se sauter dessus à 10 pour s’embrasser. Alors, ça devrait être possible pour les footeux aussi, non ? Si les gens du commun le peuvent, pourquoi pas eux ? La décence ou la loi devraient les inviter à le faire.
Ces joueurs, érigés en « modèles de société », s’exhibent devant des centaines de milliers de personnes cloîtrés dans leur salon, donnant encore une image de nouveaux riches au-dessus des règles.
Ce samedi, dans mon quartier, dix jeunes jouaient au football. Ils avaient peur que la police ne viennent interrompre leur partie. Ils se comptaient. Comme 5 d’entre eux avaient moins de 12 ans, ils se sont dit qu’ils pouvaient continuer à jouer, au risque de se faire amender quand même. Mais pas d’embrassade. Ils jouaient, se tenant dans la mesure du possible à distance.
Si des gamins peuvent le faire, j’imagine que des pros aussi ?
Chaque gamin est ensuite rentré à la maison, a mangé avec ses parents (qui n’étaient peut-être pas sorti de chez eux), et en allumant la télé pour le match du soir, ils ont vu nos millionnaires censés être des exemples, s’en donner à coeur joie en se tripotant et se bécotant jusqu’à plus soif. C’est ridicule de voir un remplaçant jusqu’alors masqué sur le banc, aller se coller à 6 autres joueurs pour leur postillonner dessus 5 mn après être entré en jeu. Ce sont là des contre-exemples.
Un article du Temps rappelle que le coronavirus tue davantage d’hommes et que ces derniers sont davantage hospitalisés. Les taux de létalité sont plus hauts chez les hommes que chez les femmes. Les hommes représentent environ 60% des décès comptabilisés[1]. La différence de genre dans le domaine de la santé est un sujet très intéressant.[2]
Les hommes fument davantage et sont davantage à risque, meurent plus jeunes. Surtout, les mesures d’hygiène sont moins respectées par ceux-ci. Selon une étude américaine : « Les hommes, les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans et les adultes sont moins susceptibles de se souvenir de se laver les mains dans de multiples situations. Quelle que soit l’année, les hommes sont nettement moins susceptibles que les femmes de se souvenir de se laver les mains avant de manger au restaurant, avant de faire la cuisine, après avoir utilisé les toilettes à la maison et après avoir ressenti des symptômes respiratoires. En outre, les jeunes adultes (18-24 ans) sont moins susceptibles que les adultes âgés de 45-74 ans de se souvenir de se laver les mains avant de manger au restaurant, avant de préparer des aliments et après avoir éprouvé des symptômes respiratoires« .[3]
En bref les hommes sont naturellement plus cochons, respectent moins les mesures d’hygiène, et la testostérone leur fait oublier les normes élémentaires de sécurité, au point, par exemple, de s’exhiber devant des millions de personnes un samedi soir pour se coller des bisous en pleine période de pandémie.
Alors franchement, les pros du foot, on est content que vous puissiez continuer à faire votre boulot, mais avec davantage de décence et en respectant votre exemplarité, ce serait mieux.
Il y a des millions de petits mecs qui vous regardent et si vous vous en foutez de choper la Covid parce que vos villas sont assez spacieuses pour vous isoler tranquilles, ce n’est certainement pas le cas pour eux et leurs proches.
Sur ce, bon match.
[1]https://www.letemps.ch/sciences/hommes-femmes-inegaux-face-coronavirus