Qui veut faire l’ange fait la bête

  • 11. mai 2020
  • air du temps
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ange,bête

Qui veut faire l’ange fait la bête. J’ai repensé récemment à cette expression. Une connaissance s’était comportée d’une manière particulièrement égoïste, tirant l’entier d’une couverture à son profit, ne se souciant nullement que d’autres s’en trouvent à découverts, tout en assurant bien entendu que c’était pour le bien du plus grand nombre qu’il lui fallait ainsi s’emmitoufler davantage…

Qui veut faire l’ange fait la bête. Cette phrase m’est revenue en tête. En ce qu’elle rappelle l’imperfection humaine, soit, et qu’à trop vouloir être parfait, ou se prétendre tel, avec ses petites ailes, et ses sourires mignonnets, quelque chose de plus sombre se craquelle à l’intérieur.

Un jour les masques tombent

La pureté, l’innocence, s’ils ne sont que mimés, ouvrent la porte au retour de la bête : à l’égoïsme, l’aveuglément, le mensonge. Comme dans Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde quelque chose à l’intérieur porte trace des coups de Jarnac et trahisons. Les comptes seront soldés.

Je me méfie comme un chien désormais de ceux qui sourient trop, qui trempent leurs fins de phrases dans du chocolat comme des churros, se donnant des airs de petits angelots goguenards ou de visages peints de poupées russes. Je fais le scarabée devant tant de contorsions, de volontés de prendre le vent toujours du bon côté. A la manière dont l’un salue, on devine le cliquetis d’une mécanique sordide de double jeux, de manigance. Prudent comme le teckel, je préfère faire la bête qu’être pris pour une poire.

Développer un œil de lynx m’a conduit à me méfier des donneurs de leçons, de ceux qui n’ont jamais les mains sales, pour qui c’est toujours aux autres de bouger, de faire autrement et mieux, et qui se comportent en comptables des bons points du haut d’un promontoire, distribuant leurs conseils condescendants ou jugements sans appels.

J’ai développé une sensibilité de chat, car Ils ne s’engagent finalement à rien d’autre qu’à demeurer au sommet de leur tour, répétant: « je vous l’avais bien dit » d’une position altière. Proche du ciel comme les anges, et pourtant radicalement éloignés de ce dernier par un plafond de briques.

Comme Maïakovski, je me suis oursifié.

Deviens l’animal que tu es   

N’est-ce pas en devenant plus animal que l’on serait en quelque sorte plus proche du divin ? Les anges, comme les bêtes, quand ils veulent miauler: ils miaulent; quand ils doivent beugler: ils beuglent; frotter leurs ailes: ils frottent. Simple. Direct.

Il faut imaginer un ange décontracté, une bière à la main, ou un paquet de chips entre les jambes. Le divin n’est pas à chercher dans la perfection, mais dans la présence, la simplicité. Je reviendrai dans un prochain texte sur ce qu’est un ange. On a oublié.

Et si celui qui voudrait faire la bête ferait l’ange finalement ?

Regarde l’animal, comme il ne triche pas, comme il te sent ou non; comme il t’approche ou te fuit, t’aboie dessus ou pas. Regarde la bête comme elle hérisse son poil quand elle est mécontente, gratte le sol de ses sabots, baisse son museau pour humer sans jouer la comédie. Regarde la bête, comme elle t’indique un chemin, comme elle ramène ses petits vers elle.

Quand aux humains, ô joie, ni anges ni bêtes, ou plutôt mi-anges mi-bêtes, nous sommes peut-être au tout début d’une nouvelle compréhension spirituelle de notre existence, placés toujours entre grâce, déchéance, éternité et mort.

Cette compréhension devrait nous inviter à davantage d’humilité et beaucoup de retenue; nous engager résolument à explorer et travailler notre intériorité pour déceler les contours véritables de notre être, tournant le dos aux faux-semblants, pour simplement flairer notre prochain comme soi même, plutôt que s’évertuer à l’aimer (mal) ou le juger (fort).

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www.sylvainthevoz.ch

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