Le délit de solidarité est actionné à Genève. Des policiers municipaux et cantonaux sont intervenus pour stopper une opération de distribution de nourriture à 150 personnes dans le besoin. Ils ont embarqué la camionnette et les bénévoles, leur intimant d’effacer les vidéos de leur interpellation. Une deuxième distribution a eu lieu. Elle a subi le même zèle des pandores. Ainsi une association dont il est fait l’éloge à l’heure du 19H30 et qui est applaudie à 21H se fait évacuer par la police un samedi après-midi ensoleillé [1]. Est-ce que le Conseil d’État et le Conseil administratif soutiennent ces opérations punitives de la police ? Surtout, quelles mesures sont prises à Genève pour garantir le droit à l’alimentation en cette période de pandémie, alors que de nombreuses associations sont fermées ou ont dû réduire leur champ d’action? Plutôt que de sanctionner frontalement et bêtement, des solutions devraient être trouvées au cas par cas, et des appuis proposés aux personnes qui s’engagent pour apporter de l’aide.
Il est choquant, alors que la pandémie frappe davantage les plus précaires, que certaines normes s’appliquent sans discernement sur eux. Ces normes ne sont pas appliquées pour certains et invoquées lourdement pour punir les autres. Voilà l’injustice en œuvre. D’évidence, appliquer l’amende à une population plongée dans la précarité est contre-productif.
Ce qui s’est passé ce samedi à Genève se déroule également à Lausanne où, en période difficile, quand l’esprit de solidarité est ce qui fait tenir une population pour affronter une grave crise sanitaire, économique et sociale, des citoyen-ne-s réunis autour d’un projet solidaire qui ne dépend financièrement que des dons et de partenariats avec le monde économique, social, culturel et sportif et de dons de particuliers ont été empêchés de venir en aide à ceux qui échappent à tous les filets sociaux.[2]
La pandémie semble avoir bon dos quand il s’agit de poursuivre et punir les plus précaires. A Renens, le 3 avril, la police est intervenue à proximité du sleep-in, lieu d’accueil pour les sans-abris. Seize amendes de 100 francs ont été délivrées parce que plus de 5 personnes discutaient ensemble. [3]
Il faut souligner le très bon travail réalisé par les Colis du coeur, le Centre Social protestant et d’autres associations qui ont mis des aliments à disposition.[4] Toutefois, les dispositifs ne suffisent pas. Comme le reconnaît le directeur du centre social protestant Alain Bolle: « La plupart des associations actives dans le domaine ont interrompu leurs activités, mettant en difficulté environ mille familles, soit entre 3000 et 5000 personnes vivant déjà en situation précaire. »
Les chiffres sont probablement encore plus élevés. Cette aide n’a pas permis de satisfaire l’entier de la demande. Cette aide n’est pas pérenne ni suffisante actuellement. Le financement annoncé ne permettant de subvenir que pour une semaine d’actions… il y a de cela 3 semaines. De plus, de nombreuses familles sans statut légal ne font pas appel à l’aide officielle de peur des éventuels contrôles de police, ou de sanctions.
Face à ces enjeux sanitaires et sociaux fondamentaux, sortir le bâton et punir les personnes qui tentent d’organiser l’aide est dangereux et contre-productif.
Instituer le délit de solidarité est un crime social.
Le coronavirus tue. La pauvreté aussi.
[1] https://www.rts.ch/play/tv/19h30/video/19h30?id=11236329&startTime=1328
[2] https://www.facebook.com/groups/1019783344777815/permalink/2948803641875766/?hc_location=ufi
[3]https://www.lfm.ch/actualite/vaud/coronavirus-des-sans-abri-mis-a-lamende-au-sleep-in-de-renens-vd/