Elle est jolie cette expression du creux de l’été. On remarque, d’une semaine à l’autre, que les trains sont moins plein, les trottoirs semblent plus larges, la cadence de la circulation ralentie, les voitures naviguent presque au rythme d’une valse (image idéalisée, sur le pont du Mont-Blanc c’est techno plutôt, ou danse figée).
Surtout, on n’entend plus chanter dans les préaux: les classes sont fermées. Un peu de silence, plus d’espace. Cela suffirait-il au bonheur? On ne sait pas trop quand il commence à se creuser le creux du creux de l’été. Pourtant on le sent venir à des petits signes, et l’on sait qu’il est pour bientôt quand déjà on est dedans.
Le creux de l’été, on le décèle aussi quand les journalistes commencent à courir après les sujets, se demandent avec un brin d’anxiété ce qu’ils vont bien pouvoir écrire durant les prochaines semaines, et comment meubler, remplir donc. Peur du vide?
C’est aussi le début du règne des envies et donc des envieux : – quand est-ce que tu pars toi ? En juillet? C’est l’heure déjà pour les chanceux de prendre leur envol : premiers départs en vacances. Alors quand certains sont déjà à la mer, d’autres bossent pour dix. Injustice!
Arrivent les premiers messages sur fonds de carte postale (nécessairement ré-haussés de filtres de couleurs pour faire saliver davantage) avec odeurs de vahiné, de ristretti serrés sur des piazza de carton pâte. Et en avant pour les longs clichés des couchers de soleil saisis au creux des vagues, dans le reflet des piscines de Spritz et de rosés.
Pendant ce temps, les laborieux se consolent avec le souffle des ventilos, ou de l’air conditionné pour les mieux équipés, exposés aux rayons ultraviolet et l’infrarouge de leur ordinateur en guise de bronzette.
Nous n’ouvrirons pas ici le chapitre de l’ancestrale lutte entre juillettistes et aoûtiens, entre ceux qui regardent le tour de France au camping, vont tâter de la boue de Paléo, ou marquent d’une pierre blanche le début de Wimbledon pour le contempler le plus loin possible de chez eux.
On ne sait pas trop quand le creux de l’été commence (certains disent à la fermeture des classes), on ne sait par conséquent pas non plus quand il finit (avec le festival de la Bâtie affirment certains)…il se pourrait bien que pour d’autres le creux de l’été signifie prolonger la farniente jusqu’au début de l’été indien… mais au final on se demande même s’il existe finalement. Tout le monde ne vit pas au rythme des vacances scolaires.
Quand le creux fait naître de l’appréhension chez certains, pour d’autres c’est la délectation : joie du ralenti, et jouir du silence. Qui fera l’étude des hyperactifs nerveux de devoir ralentir, forcés de lever le pied, de ceux qui renoncent aux vacances ou ne peuvent s’en payer, se décident à des travaux ménagers longtemps repoussés ou à des marottes occupationnelles afin de ne pas voir le temps passer ?
Le creux de l’été, c’est découvrir une autre manière de vivre les saisons et les rythmes : rencontrer la joie du ralentissement en s’adonnant à une sorte de spéléologie estivale. Et pour ceux qui en ont le temps : s’y perdre un peu… pour autant que l’on s’en autorise la liberté, bien entendu.