Le MEG : Disneyland de l’ethnographie ?

  • 21. février 2017
  • air du temps
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meg,musée,culture,genève,expositions,socialQue fait-on le premier dimanche du mois ? On va au musée bien entendu ! La gratuité qu’offre la Ville ce jour-là permet de découvrir les expositions temporaires, mais aussi permanentes, qui enrichissent le patrimoine culturel de la ville. Ce dimanche, on se rend au musée d’ethnographie.

Plus de communication, moins de contenu ?

Tenté par l’article du Temps qui annonçait une exposition pour dépassionner le fait religieux, on pensait que le MEG allait empoigner un sujet politique.[1] Or, d’expo, il n’y en a pas. Il s’agit simplement d’un parcours interactif au sein de la collection permanente proposé par la Plateforme interreligieuse de Genève[2].

Joli coup de pub donc, mais rien de nouveau sur le fond. Passée la déception, on slalome dans les collections en s’aidant du dossier : « objets du sacré, au cœur des pratiques religieuses », publié aux éditions Agora par la plateforme interreligieuse. On se demande alors pourquoi il faudrait dépassionner le religieux, quand le thème de la laïcité anime fortement la République. Qu’est-ce qui fait si peur dans la religion ? Le fait religieux est-il tabou, à prendre avec des pincettes ? Il serait intéressant d’y réfléchir. Mais l’appât du parcours interactif ne le fait pas. Dommage.

Le MEG : Disneyland de l’ethnographie ?

Les vitrines sont décidément bien froides pour rendre vivant quelque débat que ce soit. Certes, on a renouvelé l’étiquette sur les collections, et le MEG sait très bien communiquer, mais dans le fonds pas grand chose à se mettre sur la dent, hormis un esthétisme hipster évoquant une ethnologie postcoloniale.

La dimension apolitique de l’exposition permanente, bien loin de dépassionner les débats, les évacue. On feuillette Totem, le magazine du Musée ethnographique. Les prochaines activités portent sur le 14  février, la drague, des poncifs sur le tour du monde, ou l’initiation à la batucada, la chasse aux oeufs. Le MEG est-il devenu le Disneyland de l’ethnographie ? Certes non, le FIFDH (festival international des droits humains) apportera une projection-discussion le 18 mars autour du film « The opposition », sur la construction d’un complexe hôtelier en Papouasie-Nouvelle-Guinée- sur des terres autochtones. Il semble qu’il y ait ici et là des occupations de salles possible…

Une exposition temporaire ? Revenez dans 3 mois !

Pas d’exposition temporaire en ce dimanche pluvieux. L’exposition Amazonie, le chamane et la pensée de la forêt s’est achevée au MEG le 8 janvier. Elle mettait en avant une sélection d’objets provenant de l’aire caraïbo-guyano-amazonienne avec force artefacts et céramiques. L’exposition suivante, l’effet boomerang, les arts aborigènes d’Australie débutera… mi-mai. Des thématiques toujours rassembleuses, dont on finit par craindre de ne pas trouver d’ancrage avec le quotidien ou les dimensions sociales actuelles des personnes qui vivent dans ces territoires. L’ethnologie façon MEG, une euphémisation des enjeux sociaux ?

Le nombre de visiteurs augmentent ? Mais au-delà des nombres, quel sens ?

On se rend alors à l’exposition permanente : « les archives de la diversité humaine », titre grandiloquent en regard de ce qui est montré. Quelques travaux de maintenance rendent des espaces inaccessibles jusqu’à mi-février. Au final, l’espace d’exposition est réduit comme peau de chagrin. Dans ce nouveau bâtiment, on se retrouve devant les vitrines du MEG classant par aire culturelle les objets comme dans les souterrains du château de Moulinsart. Le joyeux tohu-bohu dans les couloirs du MEG fait certes oublier un instant les interrogations chagrines. Les familles sont nombreuses, les enfants joyeux. Mais est-ce vraiment l’un des succès du musée, que d’en faire l’équivalent d’une maison de quartier ?

Un panneau l’annonce à l’entrée : les habitant-e-s- (sic) du Centre d’Anière nous font le plaisir de venir partager leurs traditions. Danse et musique de Guinée, danse et musique d’Afghanistan, Danse et musique du Sri Lanka, Danse et musique d’Erythrée animent tout au long de la journée les espaces en continu. La salle est pleine et les enfants s’amusent à faire des rondes, avec un DJ qui fait danser son monde. Mais rien ne sera dit de plus sur la situation de ces personnes, ni de leurs quotidien dans les foyers de l’Hospice Général…on aurait pu souhaiter une dimension relationnelle plus marquée.

Pour un Musée d’ethnographie empoignant les enjeux du monde

Arrivé au bout de la visite, on a l’impression d’un rapport superficiel, apolitique, du rapport à l’autre. Et on ne peut s’empêcher, en méditant sur les artefacts kanaks, malgaches ou maoris, d’être surpris du manque d’informations sur leurs combats, la dimension sociale de leur quotidien. Placé devant ces artefacts ramenés d’autres siècles, on ignore tout de ces peuples actuels, de ce qu’est leur diversité. Pourquoi ?

Certainement il faut des danses et de jolis objets pour égayer un dimanche pluvieux, intéresser les enfants. Mais si ces animations devenaient la raison d’être du musée, il nous semblerait manquer cruellement d’ambition et de vision, et donc trahir sa raison d’être. A trop aseptiser et esthétiser le discours sur l’autre, que reste-t-il au final de la diversité, de l’altérité et de ses difficultés ?

Alors, à quand des expositions au MEG sur le monde ouvrier, le capitalisme, le pouvoir, la lutte féministe, le terrorisme ou les migrations, par exemple ? A quand des expositions qui nous chamboulent et nous rendent à nos responsabilités de citoyen-ne-s, d’êtres politiques, et nous interpellent sur les rapports de domination du quotidien ? On aimerait du sens, de l’engagement, on en a besoin, vite. Et tant mieux s’il y a des jeux pour petits et grands pour faire vivre tout cela !

 

 

Une version de ce texte est parue dans la journal Gauche Hebdo du samedi 18 février

[1] https://www.letemps.ch/suisse/2017/01/12/une-expo-depassionner-religieux

[2] http://www.interreligieux.ch

 

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