L’état de présence : mettre le pain sur la table, accompagner l’enfant à l’école, refonder le sens de la parole. Appeler l’amie qui ne donnait plus signe de vie. Regarder passer les oiseaux de branche en branche. Faire un tour du quartier, humidifier les plantes. Ecrire cette lettre qui tournait en tête depuis longtemps. Acheter des timbres, une enveloppe. Prendre note que les appareils à cassettes VHS ne seront plus produits, mais que l’on trouve encore des fraises des bois en clairière.
L’état de présence : aller dans un magasin et ne rien toucher, ni acheter. Non, ne rien saisir, ni vouloir emporter. Ne marcher sur personne, n’en bousculer aucun. Ne plus accumuler. Non. Dire. Renoncer à utiliser les 500 superpoints Coop quand les achats sont doublés. Ne pas regarder son téléphone, même pas réagir aux alertes. Mettre l’appareil en mode avion, contemplation. Se libérer. Quitter la dématérialisation de l’image et le crypté, pour le champ de blé. Aménager l’autel : quelques plumes, une feuille de chêne. Verser dessus l’alcool et le miel. Respirer. Mettre à profit la richesse pour autre chose que l’enrichissement ou le divertissement. Ne pas se suffire de l’eau tiède. Aller directement à la source.
L’état de présence : Entrer dans un musée, et s’arrêter. Contempler un buste, le premier. Donner à celui qui demande. Toujours, encore, donner. Réduire les écarts, combler l’incompréhension, prendre le temps de reformuler le point de proximité, d’intimité avec soi-même. Ne pas laisser d’espace vide entre les sièges. Oser l’inconnu. Adresser la parole au premier venu, aussi à celui qui part. Faire comprendre par mime, sourires. Porter la parole dans l’espace. Rire, c’est possible oui. De la tête aux pieds. Tressaillir. Travailler pour la communauté, la civilité. Ralentir, ressentir, relire Achille Mbembé.
L’état de présence : baisser le son de la radio, éteindre la télé. Semer les pensées dans le parc, disséminer des œillets de poète au pied du merisier, et sous le hêtre : des marguerites colorées. Ouvrir grandes ses oreilles, comme un lynx ou renard, s’entretenir avec la forêt. Faire un terril de farine, y mêler un œuf et un brin de vanille. Chauffer l’huile dans la poêle… une goutte d’eau pour voir si ça grésille. Découper le moelleux d’un melon, chiffonner la menthe entre le pouce et l’index.
L’état de présence : marcher sur la corde tendue, traverser le fleuve à la nage. Saisir sa chance quand ils disent quelle folle. Aller plus vite encore, passer la côte, ralentir à l’extrême, tendre l’arc, aller au rythme des songes. Choisir la nudité, être aussi fou qu’un ange. Creuser la voix, faire toujours confiance. Etre trompé, quitter, retrouver. Semer les pièces du puzzle dans les prés. Travailler la machine au changement de rythme et de vitesse. Varier les fréquences.
L’état de présence : retirer les fiches des prises, recharger les batteries. Hors 220 volts, mais au tronc, au roc, au vent et sous la bise. Regarder les blessures, celles qui saignent, ne disent pas leur nom, portées par d’autres et les enfants. Oser la douceur et l’appel. Vivre de l’amour authentique. Ta blessure est la nôtre. Se reconnaître les uns les autres. Se perdre de vue, sentir ce qui résonne. Sortir des logiques partisanes, des guerres de clans et des tranchées. Curieux, éveillé et alerte, approfondir la crête.
En état de présence, être.