L’horreur à Nice, et le choc. Les morts, les blessures, et l’horreur. Les corps étendus dans le sillage d’un camion fendant la foule, massacrant tout sur son passage, ouvrant un sillon sanglant. La résolution froide d’un assassin au volant, faisant plus de 80 morts et des dizaines de blessés en urgence absolue. La terreur et l’effroi, un soir de fête et de commémoration nationale, où des familles de toutes origines et religions, des touristes, s’étaient réunis pour contempler le feu d’artifice et fêter au bord de mer la douceur de l’été et des vacances.
Acte écoeurant, ignoble, lâche, frappant les plus fragiles, les plus exposés, n’importe qui, au hasard, et par cette violence même, faisant résonner dans la tête de chacun, que cela aurait pu être lui, elle. Non, ce n’est pas le petit Afghan, la petite Soudanaise anonyme et lointaine qui est la victime, mais hier nuit, les Niçois. Et potentiellement, tous ceux qui mettent un maillot de bain l’été et regardent, ou regarderont des feux d’artifice un soir de juillet ou d’août, tous ceux qui se sont déjà baladés un jour sur la promenade des anglais, ou sur la Côte d’Azur, y étaient deux jours ou deux heures avant, et par extension, par empathie, diront spontanément « ça aurait pu être moi, j’aurais pu y être« .
Je suis Charlie, je suis Paris, je suis Nice, et la liste continuera. Oui il faudra apprendre à vivre avec l’invivable, avec cette menace là, comme on vit sur une route, avec la perpétuelle menace de l’accident. Et concrètement, la poudre des feux de juillet aura pour toujours un autre goût que celui de l’artifice, et la moiteur des salles de spectacle, aussi celle âcre et panique du Bataclan.
Si cet acte terroriste terrorise, il atteint sa cible
Alors que la saison touristique commence, que des réservations vont être annulées, cet assassinat de masse fait vaciller, et nous oblige à prendre acte que malgré les déploiements policiers, les cordons de sécurité, les protections de mise, il n’y a pas d’espace totalement sûr, d’espace à l’abri ou protégé, à part peut-être à l’Elysée ou pour les happy-few.
Il semble donc qu’aux inégalités sociales une nouvelle inégalité s’ajoute, celle devant la menace terroriste, qui frappe le peuple, les citoyens, dans ses rassemblements populaires… et épargne les villas de la Côte d’Azur ou les hôtels particuliers.
Attaque à la bombe artisanale et au camion
Les terroristes usent de moyens rudimentaires : un camion, un sac à dos avec une bombe artisanale, et demain peut-être un drone acheté chez Auchan.
L’appareil étatique techno-sécuritaire, caméras de surveillance et mises sur écoute est inopérant pour garantir seul la sécurité. Cela doit nous faire réfléchir au moment où les Suisses vont voter pour une nouvelle loi sur les renseignements qui semble déjà grandement dépassée face aux nouveaux modes opératoires des terroristes.[1]
L’augmentation du sécuritarisme ne résoudra pas la menace terroriste[1]. On peut même penser qu’elle l’aggravera, donnant toujours plus de moyens à un Etat militaro-policier qui ne pacifie pas une société en prélevant sur les moyens nécessaires pour lutter contre les inégalités sociales, l’ignorance et la peur, pour éduquer ou inclure. Les réponses hystériques et sécuritaristes augmentent les degrés de violence et l’alimentent.[2]
Ce n’est pas autour d’un militaire en arme que l’on rassemble.
Daech a bon dos
L’on ne sait rien encore de celui qui a commis cet assassinat de masse de Nice. Un jeune homme tunisien de 31 ans selon les papiers trouvé dans le camion, rien de plus à cette heure. Probablement que l’Etat islamique revendiquera cet attentat, qu’il en soit le commanditaire ou non. Il a tout intérêt à le faire. Mais à l’heure où n’importe quel désespéré ou radicalisé peut se transformer en bombe humaine, pas besoin de Daech pour commettre un assassinat de masse.
Les digues qui contenaient la violence ont cédé. L’urgence est de faire baisser le niveau de la violence, de toutes les violences, terreaux des ruptures sociales et du terrorisme.
Le discours illustrant la vacuité de la réponse militaire
Le chef de l’Etat français avait annoncé dans la journée du 14 juillet le déploiement de conseillers militaires français pour appuyer l’armée irakienne à Mossoul contre l’Etat islamique ainsi que la levée de l’Etat d’urgence, rappelant « qu’en neuf mois, les préfectures ont autorisé 3 500 perquisitions, 400 interpellations et plus de 300 assignations à résidence. » Pour quel résultat? Au soir de cette annonce, un homme monte au volant d’un camion et roule sur une foule pacifique.
Alors, si vraiment la France est en guerre, il serait bon de savoir contre qui et contre quoi, et relire Sun Tsu qui rappelle que pour gagner la guerre, il faut connaître ses ennemis.. et se connaître soi même. La France aujourd’hui ne connaît ni l’un ni l’autre. Le tout militaire et sécuritaire démontre son impasse, faisant du peuple son otage.
Pourquoi les attentats frappent la France et pas Ottawa?
Daech a bon dos. Ce n’est pas Daech l’ennemi numéro 1. Il serait trop simple et confortable de placer l’ennemi au loin. La France, si elle est en guerre, l’est aussi contre une partie d’elle-même. La tranchée est ouverte sous ses pieds. L’ignorance et la peur, la réponse militaro-policière uniquement ne feront qu’accentuer les périls et les déchirures.
Ce n’est pas au peuple de payer les errements politiques.
Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. Si vous ne connaissez pas vos ennemis mais que vous vous connaissez vous-même, vous en perdrez une sur deux. Si vous ne connaissez ni votre ennemi ni vous-même, chacune sera un grand danger. (Sun Tsu, l’art de la guerre).
Rassemblement en mémoire des victimes et en solidarité avec les blessés et les proches de l’attentat de Nice ce vendredi 15 juillet à 19h devant le Consulat général de France, 2 cours des Bastions, Genève.
[2]http://www.liberation.fr/debats/2016/07/15/le-tout-securi…