Charlie Hebdo : un numéro spécial plein de vie

  • 11. janvier 2016
  • air du temps
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La une de Charlie Hebdo sortie ce mercredi 6 janvier, un an après la tuerie, fait jaser. Ce numéro spécial porte en « une » un Dieu barbu, armé d’une kalachnikov, à l’habit ensanglanté qui annonce la couleur. La cible, c’est Dieu, la religion, responsables d’avoir tué la rédaction.[1] Mais ce numéro rageur, vengeur, dans l’esprit Charlie, vaut beaucoup plus qu’une caricature.

Tiré à 1 million d’exemplaires, ce numéro anniversaire, provocateur (ben oui c’est Charlie), costaud (32 pages) est promis à une belle vente… mais sera-t-il lu? L’éditorial de Riss cogne dur et juste : « Ce ne sont pas deux petits cons encagoulés qui vont foutre en l’air le travail de nos vies. Ce n’est pas eux qui verront crever Charlie. C’est Charlie qui les verra crever. » Ce numéro courageux, émotionnel (retranscription de la journée du 7 janvier de l’intérieur qui nous plonge dans l’horreur)rend hommage aux morts comme aux survivants (merveilleux texte de Philippe Lançon) et pose à sa manière des questions fondamentales sur l’époque que nous vivons (subissons?).

La religion, les cons, les tueurs, la fragmentation

Charlie assume sa connerie aussi. Un petit dessin vengeur de Coco en page 8 avec un chat qui défèque en affirmant « religion j’écris ton nom », renvoie la religion au bac à sable. Mais pourquoi confondre les assassins encagoulés et Dieu, offensant ainsi tous les croyants, et invoquant une laïcité dogmatique qui sert parfois de cache-sexe à l’offense et au défouloir? « Il n’était pas pensable qu’au XXIe, en France, une religion tue des journalistes. » Sérieusement, Charlie pense que c’est la religion qui est responsable? -Oui. En tout cas, ce n’est plus elle qui sauve : « Les convictions des athées et des laïcs peuvent déplacer encore plus de montagnes que la foi des croyants » (Riss). Putain de Dieu! crie Charlie dans sa colère. On n’est pas loin de l’appel au djhiad laïc mais avec les crayons pour seules armes.

 

Ne nous emmerdons pas les uns les autres 

Charlie se fait plaisir, aussi. Mais à quoi bon se payer Dieu, gratuitement, lui qui ne demande pas grand chose, si ce n’est, à défaut que l’on s’aime les uns les autres de ne pas s’emmerder les uns les autres? Ce Dieu, que les assassins comme les plumes acerbes, caricaturent grossièrement (ou drôlement), en jouant du blasphème ou de la kalachnikov pour mieux le déformer, ne mériterait-il pas qu’on lui foute la paix ? A quoi bon diviser encore plus le monde entre croyants et athées, laïques, en les clivant? -Au nom de la liberté d’expression? Certainement.

La sacralité est défoncée depuis le travail critique des lumières au XVIIIe. Voir Charlie « enculer toutes les religions », et ressusciter le cadavre de Dieu pour mieux l’abattre aurait fait marrer Nietzsche, pour sûr. L’obscurantisme a de nombreux voiles. Heureusement, l’humour nous sauvera toujours de la connerie et Vuillemin, dans ce numéro, émeut aux larmes.

Achetez Charlie : un antidote au dogme

Dieu est autre qu’un gadget pour djihadiste en herbe ou un hochet pour laïcard. Oui. Et puisqu’il y a aujourd’hui des pouvoirs autrement plus matérialisés, nocifs et destructeurs desquels se gausser plutôt que de dézinguer Dieu, Charlie les épingle férocement dans ce numéro, en restant fidèle à sa ligne de rire de tout et de tous (Valse de Vienne pour Marine Le Pen : un rêve de petite fille ! Le dernier grand Chantier de Chirac.. éviter la taule…).

Ce numéro spécial de Charlie est exceptionnel, de force, d’intelligence, de courage et… de connerie, bref : de vie. « Croit-on vraiment que l’on stoppera la propagande totalitaire religieuse avec un communiqué? » interroge Charlie. Non, certainement pas. Mais par l’écriture, la pensée, par le courage et le dialogue, l’intelligence, tout est possible.

La lutte se poursuit… éternel recommencement.

 

[1] http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/01/04…

 

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